Blogue de Frederic Gonzalo

Google Apple Facebook Amazon (GAFA)

Qu’est-ce qu’on attend pour taxer Airbnb, Netflix et Facebook ?

Il y a quelques jours, le Journal de TVA Nouvelles titrait de manière sensationnelle Une hôtelière qui en marre d’Airbnb. Pourtant, quand on écoute l’entrevue, on voit bien que Christiane Germain, l’hôtelière en question et co-présidente du Groupe Germain Hôtels, en a plutôt contre la non-application du prélèvement de taxes – plus précisément la taxe provinciale (TVQ) et la taxe fédérale (TPS).

Lire aussi: Airbnb et Uber, même combat

Christiane Germain
Christiane Germain, co-présidente du Groupe Germain Hôtels

Ces taxes devraient s’appliquer mais nos gouvernements préfèrent ignorer la situation, pelletant vers l’avant une situation qui reviendra tôt ou tard. Pourtant, quand on a voulu appliquer la taxe d’hébergement (3.5%) sur Airbnb, comme cela est de rigueur pour tous les établissements d’hébergement dans la province, une solution a été trouvée et on applique cette taxe depuis 2017. Même constat lorsqu’il y a eu levier de boucliers au moment de l’arrivée de l’application Uber, les taxes n’étaient pas prélevées non plus. Aujourd’hui, elles le sont.

La taxe numérique

C’est le même scénario qui se rejoue quand on pense à la saga de la fameuse « taxe Netflix« , dont il a abondamment été question au Canada au cours des trois dernières années. Pourtant, il ne s’est jamais agit d’une nouvelle taxe, mais bien d’appliquer tout simplement les taxes provinciales et fédérale sur la transaction d’abonnement mensuel. Comme cela se fait d’ailleurs dans plusieurs pays et états américains.

Enfin, il reste le cas de figure qui continue de résister et de passer sous le radar, soit l’absence de taxes sur les achats publicitaires numériques. En effet, Facebook ou Google, qui s’accaparent près de 70% de la dépense publicitaire en ligne à l’échelle mondiale, n’appliquent pas de taxes provinciales ou fédérale lorsque vous effectuez une campagne publicitaire. Même si votre campagne cible les Québécois, vivant au Québec, et que l’achat publicitaire a été effectué par une entreprise basée au Québec!

Une situation qui doit changer

Bon, tout n’est pas négatif dans ce portrait. On sait que le précédent gouvernement provincial libéral avait pris la décision d’imposer la TVQ auprès de Netflix, Google, Spotify et Apple et ce, dès le 1er janvier 2019. Voyez d’ailleurs l’impact que cela aura sur la portefeuille des utilisateurs:

Application de la TPS et TVQ sur les services Netflix, Google, Apple et Spotify dès le 1er janvier 2019
Application de la TPS et TVQ sur les services Netflix, Google, Apple et Spotify dès le 1er janvier 2019. Source: Journal de Montréal

Quel sera l’impact au niveau des coffres du gouvernement? On estime qu’Ottawa et les provinces se privent jusqu’à maintenant de plus de 100 millions de dollars par année, uniquement en ne taxant pas Netflix comme il se doit. Imaginez le manque à gagner en allant taxer également Spotify, Apple Music ou Google Play Music.

Note: Certains me diront « Oui mais on ne veut pas payer cette taxe de plus, comme consommateur on est déjà assez taxé comme ça! » Justement, ce n’est pas une taxe « de plus« . C’est la juste application de la TPS et de la TVQ. Si tu t’abonnes au câble avec Bell, Telus ou Videotron, tu paies ces deux taxes. Pourquoi on ne les paierait pas pour Netflix?

L’enjeu publicitaire

Il reste maintenant à régler le problème du placement publicitaire. On apprenait récemment que le gouvernement fédéral envoie une bouée de sauvetage aux médias traditionnels qui créent du contenu, à coup de centaine de millions de dollars. Fort bien. Mais pourquoi ne pas tout simplement appliquer la taxation qui s’impose auprès de tous les joueurs dans l’écosystème publicitaire numérique?

Un exemple très simple: je veux placer une publicité à la radio, dans un journal local ou sur une plateforme numérique au Québec (Météomedia, LaPresse+, etc.). Un placement média d’une portée X avec une fréquence donnée me coûtera 1,000$ plus les taxes. Donc 1,150$, taxes incluses.

Mais si je choisis de faire une campagne d’achat de mots-clés avec Google Ads, ou encore de vidéos ou images sur Facebook Ads, ma dépense sera de 1,000$ car les taxes ne sont pas appliquées. Une économie de 15% qui représente donc un avantage concurrentiel substantiel. Et déloyal.

C’est d’ailleurs le raisonnement de Mme Germain et des acteurs de l’industrie hôtelière. Un utilisateur qui hésite entre une chambre à 200$ (+taxes) sur le site du Groupe Germain et un condo de 200$ affiché sur le site d’Airbnb, verra qu’il lui coûte 15% moins cher de choisir l’option sur Airbnb, simplement en raison de la non-application de la taxe, pas forcément parce que le condo est mieux aménagé ou mieux situé.

Ignorance ou manque de volonté

Chaque fois que j’ai cette discussion avec amis ou collègues, je constate qu’il y a surtout une large part d’ignorance face à cette réalité et à l’aspect fiscal que cela suppose. Certains pays vont encore plus loin, comme la France qui s’apprête à taxer le GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) non seulement sur les biens échangés sur la plateforme – cela va de soi et est déjà appliqué, contrairement à ici où nous sommes à la traîne – mais bien sur les profits générés dans le pays.

En d’autres mots, le gouvernement français s’apprête à recueillir des impôts à Google basé sur le volume d’affaire estimé sur son territoire. D’autres pays d’Europe s’apprêtent à suivre… et on les comprend: on estime à 500 millions d’euros (plus de 850 millions de dollars canadiens) les revenus que cette nouvelle taxe va générer dans les coffres du gouvernement français en 2019 seulement!

Pendant ce temps, de ce côté de l’Atlantique… vous avez vu la prestation de Mark Zuckerberg devant le sénat américain en avril dernier? Ou encore celle du PDG de Google la semaine dernière? Les questions des sénateurs suintaient l’ignorance crasse, quand ce n’était de la condescendance pure et simple

Et ce n’est guère mieux au Canada quand il est question de taxer des services qui devraient l’être, ne serait-ce que par souci d’équité avec les autres entreprises publicitaires, médias, hôtels, ou taxis qui doivent se conformer aux règles en vigueur.

On ne peut donc plus prétendre ignorer la situation. Reste maintenant à voir si la volonté politique y est… on verra bien en 2019!

Abonnez-vous à l’infolettre hebdomadaire

Nouvelles, tendances et meilleures pratiques du marketing numérique

En savoir plus

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *