Identifié clairement comme une tendance lourde à surveiller depuis déjà quelques années, le Big Data continue de faire parler sans vraiment être compris ni utilisé à son plein potentiel par une majorité d’intervenants dans la sphère du tourisme.
De quoi parle-t-on, au juste, et comment le Big Data peut-il venir bouleverser l’ordre établi? Pour plusieurs, il s’agit essentiellement d’un enjeu technologique alors que dans les faits, c’est un peu plus complexe.
Comprendre les “4 V”
Commençons d’abord par définir ce qu’est le Big Data tout en donnant quelques exemples liés au tourisme. La plupart des spécialistes s’entendent pour parler des trois “V” mais il serait en fait plus juste de parler de quatre. Les voici:
Volume
C’est la notion la plus souvent véhiculée quand il est question de Big Data. En effet, avec la démocratisation des outils technologiques et l’accessibilité à des plateformes sociales, mobiles et collaboratives, on observe ainsi une explosion des points de contacts possibles entre une organisation et sa clientèle, actuelle ou potentielle. L’infographie suivante montre d’ailleurs le volume de données qui s’échange sur le web en l’espace d’une minute!
Jusqu’à tout récemment, la plupart des données-client se trouvaient au sein de bases de données internes, colligées via votre centrale d’appels, points de ventes et billetterie, envois d’infolettres, etc.
Dorénavant, les plateformes externes se multiplient et il devient difficile d’obtenir une vue simplifiée et unifiée du client, certains optant pour les canaux traditionnels, d’autres pour les médias sociaux ou des applications mobiles, alors que certains autres parleront d’une marque auprès d’autres consommateurs via des forums publics ou sites de commentaires générés par les utilisateurs.
Le défi devient alors de transformer les données volumineuses en données intelligentes et utiles pour un besoin d’affaire spécifique. Ou, comme le disent les anglos, transformer le Big Data en Smart Data.
Variété
Le Big Data n’est donc pas qu’une affaire de volume. En raison de la technologie permettant de multiples points de contact entre le consommateur et une organisation, on observe ainsi une variété incomparable de données.
On estime d’ailleurs que les entreprises comptent actuellement sur 20% de données structurées, alors que 80% sont des données non-structurées. Des exemples de données structurées? La base de contact-clients que vous avez dans système opérationnel de votre hôtel (PMS, ou Property Management System), le système de gestion des contenus de votre site web ou blogue (CMS, ou Content Management System), ou encore votre système de fidelité et/ou de gestion de la relation-client (CRM, ou Customer Relationship Management).
Dans un monde idéal, les organisations enregistrent déjà une foule de données à travers leurs divers points de contact avec la clientèle, leur permettant des tactiques de rétention, de stimulation et de fidélisation, sans parler des initiatives pour améliorer l’expérience-client ou faire de la recherche et développement.
Mais alors, que considère-t-on des données non structurées? Eh bien, tout le reste, en fait! Pensons notamment à:
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- Questions et commentaires échangés via Facebook, Twitter, Linkedin, ou toute autre plateforme sociale où votre marque a une présence.
- Les plateformes de contenus générés par les utilisateurs, telles que TripAdvisor, Yelp et autres forums où les consommateurs discutent de votre marque et où il existe des enjeux de gestion pour votre e-reputation.
- Toute interaction faite via des tiers partis, du tour opérateur au réceptif en passant par les agences de voyages en ligne, sans oublier les agents traditionnels et autres revendeurs.
- Les courriels, photos, vidéos, témoignages échangés avec une marque, soit directement ou via une plateforme partagée.
- Différents types d’appareils avec lesquelles on interagit avec une marque: ordinateur de bureau, portable, smartphone, tablettre, iPod, etc. tant via le site mobile que via une application multimédia.
Vélocité
Le volume et la variété de données sont certes des éléments importants, mais le troisième aspect du Big Data est non le moindre, soit la vitesse d’exécution et l’aspect instantané du temps de réponse requis, ou le real-time.
Comment pourrait-on envoyer la bonne offre à la bonne personne, au bon moment lorsqu’un voyageur arrive à destination, par exemple? Si quelqu’un s’enregistre à votre hôtel et est déçu au moment d’arriver à sa chambre, que faire s’il décide de tweeter sa déception plutôt que d’appeler la réception?
On sait d’ailleurs que 42% des consommateurs actifs sur les médias sociaux s’attendent à une réponse dans l’heure qui suit, il est donc impératif de prendre ce virage afin que les organisations soient structurées pour répondre rapidement à cette nouvelle réalité.
Dans l’industrie touristique, les lignes aériennes forment un bon exemple avec leur gestion dynamique des prix en fonction de la disponibilité et des trajets, basée sur des algorithmes sophistiqués qui prennent en considération l’inventaire en temps réel mais aussi les comportements de recherche en ligne, notamment via les méta-moteurs de recherches, i.e. Kayak.
D’un point de vue de l’expérience-client, il n’est pas toujours évident de faire circuler certaines informations en temps réel via les canaux traditionnels versus les médias sociaux.
Un cas récent: American Airlines a dû stopper toutes ses opérations en raison d’un problème informatique majeur en avril dernier. Comme les agents étaient débordés pour répondre aux demandes de clients, ces derniers s’en sont remis à Twitter où l’on a pu leur répondre avec tous les détails nécessaires. Détails qui, on doit le préciser, n’étaient pas encore disponibles auprès des agents travaillant aux portes d’embarquement ou kiosques d’information dans les aéroports… Vous pouvez imaginer la frustration qui découle d’une telle situation!
Enfin, si on pense en termes d’intelligence d’affaire, plusieurs acteurs de l’industrie touristique dépendent de rapports traditionnellement fournis par leur office de tourisme, rapports qui prennent parfois quelques semaines, quand ce n’est quelques mois, à leur parvenir.
Avec la tendance lourde des réservations de dernière minute, cette intelligence se doit donc d’être quasiment en temps réel afin d’être utile au restaurateur, à l’hôtelier ou au décideur qui dépend de ces rapports pour prendre des décisions.
Véracité
Le quatrième “V” du Big Data est moins évident et généralement moins reconnu, soit celui de la véracité des données. On parle en fait du contexte dans lequel s’insère l’analyse des données.
D’une part, peu d’entreprises prennent le temps de bien nettoyer leurs bases de données, et le font qu’une fois par année dans bien des cas: enlever les doublons, vérification des adresses déménagées, mortalités, clientèle disparue, etc. On peut ainsi parfois douter de certaines données si la base est elle-même plus ou moins fiable.
D’autre part, si une destination remarque une hausse soudaine dans le traffic de recherche pour sa ville, est-ce en raison d’une initiative marketing (achat de mots-clés, bannières, etc.), d’une approche de contenu (publication récente d’un billet ou article devenu viral) ou plutôt en raison d’un facteur externe, non lié au tourisme (scandale, attentat, etc.)?
Pour en savoir plus sur le Big Data et des exemples tirés du monde du tourisme, je vous invite à visionner cette entrevue avec M. Patrice Poiraud, Directeur, Business Analytics & Optimisation, IBM France.
Impacts en R&D
Les nouvelles technologies et les plateformes sociales étant devenues disponibles au commun des mortels, assumant une connexion internet et/ou wifi à proximité, on est maintenant capable d’effectuer de la veille sur plusieurs sujets.
Pour quiconque veut faire de la recherche et déceler de nouvelles tendances ou comprendre l’humeur des voyageurs quant à un attrait ou le niveau de service dans un établissement, le Big Data représente autant un défi quant à la complexité des données (volume, variété, vélocité & véracité) qu’une superbe opportunité d’aller capter l’humeur du consommateur en temps réel, à une fraction du prix de ce qu’il en aurait coûté voilà quelques années, si cette possibilité existait déjà.
Lors de la deuxième Franco-Québécoise du e-tourisme, qui avait lieu à La Rochelle en juin dernier et à laquelle j’ai eu le plaisir de participer et d’intervenir, une des présentations portait d’ailleurs sur le sujet de la connaissance à l’ère du 2.0.
Comme vous le verrez dans certaines diapositives de cette présentation (voir ici-bas), il y a moyen de capter et qualifier les photos prises par des habitants ainsi que par des touristes dans une ville, permettant de mieux comprendre les parcours de visite les plus fréquents. Une société de transport pourrait ainsi en déduire un circuit pour un autobus touristique, ou des annonceurs pourraient en tirer profit dans une perspective de ciblage pour un produit particulier, i.e. location de voiture, offre de dernière minute pour resto ou bar.
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