Blogue de Frederic Gonzalo

IA et encadrement

Les défis que posent l’IA et leur encadrement

Le mercredi 3 décembre dernier, j’ai eu l’honneur et le privilège de participer au groupe de travail portant sur “Les défis que posent l’intelligence d’affaires et leur encadrement”, à la Chambre des communes d’Ottawa.

En fait, il s’agit du Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique, qui a hérité du mandat d’évaluer les enjeux liés à l’IA et de recommander un cadre de réglementation pour la suite des choses. Il s’agit d’un comité regroupant des députés des différents partis politiques, tant conservateur, libéral que bloquiste.

J’y ai donc été convoqué hier à titre de témoin expert. Des questions et des discussions fort intéressantes, dans un cadre qui demeure toutefois restreint – on avait un temps limité, difficile d’élaborer sur des sujets (comme la découvrabilité numérique, par exemple) qui auraient mérité plus que quelques minutes. L’ensemble de la rencontre a duré 90 minutes, ce qui a quand même donné le temps de discuter de plusieurs enjeux. Il faut savoir que cette rencontre fait partie d’un sprint de plusieurs autres qui ont eu lieu, et qui auront lieu, afin d’aboutir sur des recommandations (et qui sait, un projet de loi) au cours des prochains mois.

C’est le député conservateur John Brassard qui préside le comité ETHI à la Chambre des communes.

Mon allocution

Je n’avais pas à préparer de contenu ou un mémoire, le but étant ici de répondre aux questions des membres de ce comité. De toute évidence, des participants de ce groupe de travail avait lu certains de mes articles dont Comportements liés aux médias sociaux et l’IA au Canada ou encore Apparaissez-vous dans les réponses données par l’IA?

On avait toutefois droit à une brève allocution d’introduction de maximum 5 minutes. Voici donc ce que j’ai présenté à ce comité:

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les membres du Comité,

Merci de m’inviter à contribuer à cette réflexion essentielle sur les défis que pose la réglementation de l’intelligence artificielle.

Depuis plus de trente ans, j’accompagne des petites et moyennes organisations — particulièrement dans les secteurs du tourisme, de la culture, de l’enseignement privé et des services municipaux au Québec. Ce sont des entreprises souvent de moins de 100 employés, qui souhaitent adopter l’IA pour gagner en efficacité, mais qui ne savent pas toujours par où commencer, quoi utiliser, ni quels risques éviter. Permettez donc que je partage les 5 constats suivants.

Le premier constat, c’est que l’incertitude réglementaire crée de la paralysie. Les PME n’ont pas d’équipes juridiques, elles n’ont pas de spécialistes en cybersécurité. Elles veulent bien faire les choses, mais elles ne comprennent pas toujours concrètement ce qui est permis, ce qui est déconseillé, ou ce qui pourrait devenir non conforme. Un cadre trop technique ou trop rigide risque de creuser une fracture numérique entre les organisations qui ont les moyens d’avancer… et les autres.

Deuxième constat : il doit exister un équilibre entre protection des renseignements personnels et innovation. Aujourd’hui, les PME utilisent des outils comme ChatGPT, Gemini ou Canva AI sans savoir exactement comment leurs données sont traitées. Les politiques changent rapidement, les interfaces évoluent, et il est difficile pour elles de suivre le rythme. Un ensemble de lignes directrices canadiennes simples, visuelles et adaptées aux petites organisations — sur le consentement, l’anonymisation et la minimisation des données — serait extrêmement utile.

Troisièmement, l’enjeu majeur reste la littératie numérique. J’offre chaque mois plusieurs formations en IA à des gestionnaires, organismes municipaux, artistes, restaurateurs et hôteliers. Et partout, je constate le même phénomène : l’engouement est immense, mais les connaissances pratiques sont faibles. Les employés utilisent l’IA dans leur vie personnelle, mais rarement dans un cadre structuré au travail. Sans formation ni accompagnement, l’IA risque d’être mal utilisée, ou pas utilisée du tout.

Quatrième point : la transformation des moteurs de recherche en moteurs d’IA crée un nouveau défi de découvrabilité numérique. Les entreprises se demandent désormais comment être visibles dans ChatGPT, Perplexity ou Gemini, et comment leur contenu est cité ou non cité par ces plateformes. L’absence de transparence complique la tâche des PME qui veulent simplement exister dans cet écosystème en évolution.

Enfin, il faut un cadre de conformité proportionné. L’IA que les PME utilisent aujourd’hui sert principalement à rédiger un texte, répondre à un client, automatiser une tâche administrative ou créer un visuel. Ce sont des usages à faible risque. La réglementation devrait donc être graduée : lourde et stricte pour les systèmes à impact sociétal, mais simple, pragmatique et accessible pour les usages courants des petites organisations.

En résumé, les PME veulent adopter l’IA, mais elles ne veulent pas être laissées seules. Elles ont besoin d’un cadre clair, d’un accompagnement adéquat et d’outils adaptés à leur réalité. La réglementation doit protéger les citoyens tout en permettant aux petites organisations du pays d’innover, de rester compétitives et de tirer pleinement avantage de cette révolution technologique.

Merci. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

Pour aller plus loin

Si le sujet vous intéresse, je vous invite à suivre les travaux de ce comité, en cliquant ici.

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