Deuxième et dernière partie d’une analyse en deux volets sur l’état du tourisme au Québec. Dans le premier billet, on regardait les forces actuelles et bons coups de notre industrie. Cliquer ici pour lire ce billet.
Aujourd’hui, on regarde les faiblesses et défis à surmonter pour rendre l’industrie plus compétitive!
Dans la première partie de cette analyse, je donnais quelques exemples de destinations, attraits et/ou hôtels au Québec qui ont su se renouveler au fil des ans, proposant aujourd’hui une expérience de qualité autant pour les citoyens qui habitent les villes et régions concernées que pour les touristes de passage, qu’ils viennent de provinces voisines, des États-Unis ou de l’international.
J’aurais pu évidemment donner plusieurs autres exemples. Au Québec, l’offre touristique est riche et variée, incluant des chaînes hôtelières, de la restauration, plusieurs attraits et festivals de calibre mondial.
Ceci étant dit, pas besoin de jouer à l’autruche et se mettre la tête dans le sable: il existe aussi des horreurs et des installations douteuses. Sans parler d’auberges, hôtels ou restaurants qui survivent au fil des années sans parvenir à dégager les marges de profit pour réinvestir dans les mises à niveau nécessaires.
4 défis à relever
Il existe bien des programmes gouvernementaux mis en place pour obtenir des crédits d’impôts ou subventions, mais plusieurs entrepreneurs jettent la serviette devant la lourdeur bureaucratique des procédés ou parfois par simple ignorance des programmes à leur disposition. (Cliquer ici pour un dossier spécial sur les leviers de financement en tourisme au Québec)
1. Baisse des fonds marketing au niveau fédéral
Un des plus gros problèmes auxquels fait face l’industrie touristique québécoise vient de sa grande dépendance au marché domestique, c’est-à-dire les Québécois et Québécoises qui voyagent dans leur province (plus de détails à ce sujet dans le prochain point).
En fait, ce n’est pas un problème en soi, si on parvient à attirer de plus en plus d’Ontariens et autres Canadiens, plus d’Américains et de clientèle internationale. Or, c’est à ce niveau que le bât blesse!
Saviez-vous que le tourisme est une industrie en croissance à l’échelle mondiale, soutenant une rythme de croissance de 3% par année? En 2013, il y a eu un milliard de voyageurs internationaux, chiffre qui devait passer à 1.8 milliard d’ici 2030. Le hic, c’est que le Canada est à la traîne et ne profite pas de cette croissance.
Le Canada arrivait au 7e rang des destinations les plus populaires en 2002, et sa performance ne cesse de pâlir depuis. Au dernier palmarès, nous avions dégringolé au 16e rang, et il se peut fort bien que nous soyons hors du top 20 dès l’année prochaine. En d’autres mots, nous perdons des parts de marché.
Baisse du budget marketing au niveau national
La plus belle illustration se voit dans les budgets accordés à la Commission Canadienne du Tourisme (CCT), organisme fédéral dont la mission est de faire la commercialisation de la destination auprès des marchés internationaux, en partenariat avec les provinces et acteurs du tourisme à l’échelle nationale.
Le budget marketing de la CCT dépassait les 100M$ en 2009 et 2010, afin de profiter de l’engouement découlant des Jeux Olympiques d’hiver à Vancouver. Depuis, c’est la misère, avec un budget réduit à 76M$ en 2012, puis à 58M$ en 2013-2014. La plus récente rumeur dont vous n’avez probablement pas entendu parler: tous les bureaux de la CCT à l’étranger fermeraient leurs portes d’ici 2015!
Le budget marketing de la Commission canadienne du tourisme est passée de 106M$ en 2009 à 58M$ en 2014, une baisse de 45% en cinq ans!
La CCT s’est d’ailleurs retirée du marché américain il y a quelques années, ce qui veut dire qu’on ne retrouve plus de campagnes publicitaires concertées afin de vendre la destination de manière unifiée. Il s’agit pourtant des voyageurs les plus lucratifs pour notre destination!!
Pendant ce temps, BrandUSA a pris naissance et dispose d’un budget annuel de 200M$ pour inciter les Canadiens et la clientèle internationale à visiter les États-Unis. Bref, pour une destination comme le Québec, sans effet de levier au niveau fédéral, c’est beaucoup plus difficile et coûteux de faire la promotion auprès des Américains et de la clientèle internationale, alors qu’on affronte une compétition encore plus féroce qu’avant.
2. Leadership de Tourisme Québec
Si on oublie ce qui se passe au niveau fédéral, qu’en est-il du leadership touristique au niveau provincial? Malgré l’apport indéniable à l’économie de la province, le tourisme demeure un second violon dans l’échiquier politique. Pourtant, selon les données de l’Association québécoise de l’industrie touristique (AQIT), le tourisme se situe au 3e rang des secteurs d’exportation.
Saviez-vous que le tourisme génère des recettes de près de 13 milliards $ annuellement, soit 2.5% du PIB, alors que le gouvernement n’y consacre que 0,2% de ses dépenses? On estime en effet que chaque dollar investi en tourisme en génère cinq dans les coffres de l’état, faisant de ce secteur d’exportation un des moins coûteux à développer et un des plus rentables au niveau de la création d’emplois.
C’est maintenant Mme Dominique Vien qui est la nouvelle ministre du tourisme. Entrée en fonction lors des élections du printemps dernier, il est encore trop tôt pour en savoir plus sur ses intentions et sur la vision du gouvernement actuel pour notre industrie.
Espérons néanmoins qu’il y aura continuité quant à la mise en place du Plan de développement de l’industrie touristique 2012-2020, lequel incluait notamment une emphase stratégique pour le tourisme hivernal ainsi que pour le fleuve St-Laurent.
Nouvelle branding
Espérons aussi qu’il y aura un nouveau souffle dans la démarche marketing, particulièrement dans la concertation avec les acteurs du milieu touristique. Vous aurez peut-être remarqué les publicités “Quebec Original”, d’abord destinées au marché international (France et États-Unis, surtout), qui se sont immiscées dans notre univers média en début d’été?
Plusieurs publicités sur les ondes radio et dans les médias traditionnels, c’est une bonne chose pour inciter les Québécois à opter pour des vacances dans leur province. J’applaudis donc l’initiative. On vient ainsi renforcer le message véhiculé par plusieurs associations touristiques régionales (Outaouais, Mauricie, Charlevoix, etc.) qui font de même à cette période de l’année.
Le hic, c’est que les budgets qu’on investit auprès des consommateurs québécois, ce sont des budgets qu’on ne dépense pas sur le marché américain ou ontarien. Or, il a été maintes fois démontré qu’un touriste ontarien ou américain dépense plus en moyenne par séjour qu’un client québécois.
C’est normal et logique, la clientèle domestique ayant plus tendance à se loger chez parents et amis, plutôt que dans des établissements hôteliers. À moyen et long terme, quel sera ce rôle commercial de Tourisme Québec vis-à-vis des instances déjà (trop) nombreuses dans le tourisme? Et comme les Québécois représentent 87% des touristes à l’échelle provinciale, ne devrait-on pas mettre l’emphase sur la diversification des marchés afin de ne pas être trop dépendant du marché local?
3. Renouvellement de l’offre touristique
Un des hits touristiques de l’été au Québec est un concept simple mais novateur: illuminer un parcours en forêt, afin d’y vivre une expérience magique et interactive! C’est justement ce que propose Foresta Lumina, au coeur de la forêt de la Gorge de Coaticook, dans les Cantons-de-l’Est.
Évidemment, on doit pouvoir se payer les services d’une firme comme Moment Factory et arriver avec un modèle d’affaires qui tienne la route. Alors où est le problème et comment se fait-il qu’on voit si peu de nouveaux attraits touristiques prendre vie?
Que les fleurons?
Il y a plusieurs fleurons dans notre industrie touristique, tant au niveau des attraits, des restaurants que des établissements hôteliers. Mais pour chaque Tremblant ou Mont-Ste-Anne, combien d’autres petites et moyennes montagnes de ski qui vivent au crochet de subventions ou d’interventions municipales?
L’accès au crédit ou à des conditions privilégiées auprès de fournisseurs tels Hydro-Québec pose souvent problème. Il en va de même avec l’industrie du golf ou des spas, dont une majorité d’intervenants tirent le diable par la queue.
Enfin, la règlementation devra également être revisitée afin de mieux réfleter la réalité d’aujourd’hui. Les auberges et hôtels doivent livrer concurrence aux plateformes collaboratives comme AirBnB ou HomeAway, et les taxis doivent se batter contre Lyft ou Über.
Des discussions franches doivent avoir lieu sur le sujet, une autre belle occasion de leadership à saisir pour notre ministère du Tourisme, en concertation avec les instances concernées.
Lire aussi: Hébergement illégal: l’industrie touristique face à un dilemme ET Hébergement illégal: on fait quoi maintenant?
4. Accessibilité
Un dernier défi à relever a trait à la mobilité vers et dans la destination. Cet enjeu de mobilité est d’ailleurs clairement identifié dans le plan 2020 de l’Office du Tourisme de Québec (OTQ) ainsi que dans le plan de développement 2012-2020 du Ministère du Tourisme.
On pense naturellement au développement de l’aéroport international Trudeau de Montreal, les navettes et son fameux rond-point Dorval, à l’accroissement de liaisons aériennes en provenance de nouvelles destinations, tout comme les projets d’expansion à l’aéroport Jean-Lesage de Québec, ainsi que les aéroports régionaux, héliports et croissance des croisières dans l’axe Québec – Nouvelle-Angleterre.
L’accessibilité, c’est aussi les transports dans la destination. La Gaspésie n’est plus desservie par VIA Rail Canada, et les coûts de liaisons aériennes intra-Québec coûtent autant et parfois plus qu’un billet pour l’Europe ou l’Asie. Sans parler des routes parfois laissées à l’abandon ou en conditions aléatoires, ainsi que l’enjeu récurrent des haltes routières défaillantes, tant en quantité qu’en qualité.
Clientèle internationale
Enfin, un dernier point, mais non le moindre: pour la clientèle internationale, l’accès au Canada est pénible! Et si on ne vient pas au Canada, forcément on ne vient pas au Québec… L’exemple le plus tangible est celui du Mexique, pays dont le Canada recevait plus de 400,000 visiteurs en 2008, soit autant que la France!
Or depuis l’imposition d’un visa obligatoire en 2009 par le gouvernement conservateur, ce chiffre a fondu et se trouve aujourd’hui à tout près de 150,000 visiteurs après une lente progression Ce dont on parle moins, c’est la lenteur des services de visa tant au Mexique qu’au Brésil et dans les pays où une clientèle touristique fortunée préfère ainsi opter pour d’autres destinations moins compliquées: États-Unis, Turquie, Europe, Asie, peu importe.
Voilà donc un autre défi qui se joue au niveau fédéral mais qui a un impact considérable sur le performance touristique du Québec.
MAJ: Cliquer ici pour entendre l’entrevue de Frédéric avec Gilles Parent, au FM93
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