Facebook annonçait, le 12 janvier dernier, des changements majeurs au fonctionnement de son algorithme et depuis, l’univers du marketing numérique et des médias sociaux semble sans dessus dessous. Près de deux semaines plus tard, la catastrophe annoncée a-t-elle lieu? Prenons le temps d’analyser le tout.
L’algorithme de Facebook, en bref
On sait depuis plusieurs années déjà que Facebook utilise un algorithme pour filtrer les contenus que vous voyez dans votre fil de nouvelles. Pourquoi? Sachez que l’utilisateur canadien moyen a plus de 375 amis, suit plus de 86 pages, et qu’on partage un nombre astronomique de photos, vidéos, textes ou liens vers des articles. Bref, on estime qu’il y aurait entre 1,500 à 2,000 publications potentielles qui pourraient s’afficher dans votre fil de nouvelles pendant une journée moyenne. Or, Facebook doit faire le tri et vous en poussera entre 300 et 330, environ.
Cet algorithme et ce filtre ne sont rien de nouveau. Je vous en parlais d’ailleurs ici même dans cet article paru… en 2012! À l’époque, on estimait que 16% des publications faites par une Page se rendaient dans le fil des nouvelles des abonnés. Un chiffre qui n’a cessé de décroitre au fil du temps et des nombreux changement faits à l’algorithme. La firme Ogilvy publiait d’ailleurs en 2014 une étude qui en rajoutait une couche, où l’on voyait que les pages peinaient à atteindre plus de 6% de leur abonnés de manière organique.
Qui plus est, on voyait que plus une page grossit, plus il devient difficile d’atteindre les abonnés (Voyez la ligne du bas dans le graphique, qui représente la portée organique moyenne des pages avec 500,000 abonnés ou plus). À un point tel que certains ont commencé à parler de Facebook Zero, c’est-à-dire l’avènement d’une portée organique nulle pour les pages ayant une présence sur Facebook. Ou pour dire les choses autrement, si vous voulez atteindre les gens qui vous suivent, vous devrez dorénavant absolument payer!
La situation jusqu’à tout récemment
Malgré tous les scénarios catastrophes, les pages parvenaients néanmoins encore à tirer leur épingle du jeu et obtenir une portée naturelle au-delà des pourcentages faméliques rapportés par Ogilvy et certains prédicateurs de malheur. Mon observation sur le terrain, avec des dizaines d’entreprises au Québec et à l’international, pointe vers des résultats encore intéressants, avec des portées organiques moyennes oscillant entre 10-30%, souvent plus dans le cas de publications populaires, i.e. tirages, concours, promotions, etc.
Ceci a été confirmé par AgoraPulse, qui a compilé les résultats suivants en 2017, basés sur près de 3,000 pages et montrant les portées médianes par industrie. Comme on peut le voir, certaines industries s’en tirent mieux que d’autres et dans l’ensemble, on est loin des 2-3% que certains prédisaient, voire même de Facebook Zero.
Au cours des 18 derniers mois, le vent a toutefois commencé à tourner pour Facebook, surtout aux États-Unis où les doutes pèsent quant au rôle d’intérêts russes dans la course présidentielle qui a mené au couronnement de Donald Trump à la fin 2016. Et dans la foulée, il y a la guerre ouverte aux “fake news” dont les médias sociaux, Facebook en tête, sont désignés coupables par association en raison de la facilité du partage d’informations, notamment.
Ce que Facebook nous dit en 2018
On peut donc mieux comprendre le contexte dans lequel s’insère la publication faite par Mark Zuckerberg sur son profil Facebook le 11 janvier dernier, annonçant que la compagnie allait s’attaquer à ces fakes news et par le fait même, tenter de livrer une expérience plus humaine et positive sur la populaire plateforme.
Le lendemain, Facebook faisait l’annonce officielle des modifications découlant de cette nouvelle approche corporative, appuyant le tout par une vidéo explicative sur les changements que cela apportera à l’algorithme et ce que vous verrez dorénavant dans votre fil de nouvelles. Si vous ne l’avez pas visionné encore, je vous invite à le faire dès maintenant (en anglais):
Comme on le constate, il sera plus difficile pour les pages d’aller se positionner favorablement dans le fil de nouvelles de leur abonnés, à moins de publier des contenus qui suscitent l’interaction et la conversation. Plus facile à dire qu’à faire, on en convient tous.
Les pratiques douteuses dans le collimateur
Remarquez, on ne peut vraiment s’étonner de la nouvelle orientation exprimée par Facebook, qui estime même que les utilisateurs passeront moins de temps sur sa plateforme. Les changements à l’algorithme n’ont jamais cessé depuis les débuts, on en faisait simplement moins de cas dans les médias de masse. Mais surtout, on savait déjà (depuis fin 2016) que la portée organique rapportée par Facebook était sur-estimée de près de 20% et que ces changements se refléteraient à partir de janvier 2018.
Puis, Facebook annonçait le mois passé qu’il s’attaquerait dorénavant aux publications suscitant de l’engagement superficiel, communément appelé du engagement baiting.
L’engagement superficiel, ce sont ces tactiques où l’on cherche l’interaction des utilisateurs en leur demandant systematiquement de poser un geste: voter, commenter, aimer, partager, réagir, etc. Pour les nombreuses pages qui utilisent ce type de publication régulièrement, on peut s’attendre à voir des baisses marquées dans les résultats de portée organique.
La question qui tue, maintenant: Facebook s’attaquera-t-il enfin aux concours qui dérogent à ses propres termes et conditions d’utilisation de la plateforme? Comme on peut le voir dans l’exemple ci-dessous, ces concours sont encore très nombreux à non seulement déroger aux règles d’utilisation sur Facebook, mais aussi à ne pas se conformer à la Régie des alcools, des courses et des jeux, qui régit les concours au Québec. Dans ce cas-ci, en plus, on utilise une marque connue (Canadiens de Montréal) à des fins commerciales, ce qui est interdit à moins d’avoir une entente préalable avec ladite marque.
Lire aussi: Les concours Facebook et la nature humaine
La catastrophe aura-t-elle lieu?
À peine deux semaines après l’annonce faite par Facebook, on voudra se méfier de tirer des conclusions trop hâtives. J’ai donc regardé la performance des publications effectuées sur la quinzaine de pages auxquelles j’ai accès et je n’ai pas observé de baisse dramatique en comparant avec les publications effectuées en décembre ou novembre, par exemple.
Par contre, dans deux groupes de gestionnaires de communauté dont je fais partie, les constats sont beaucoup plus nuancés. Certains ont remarqué des baisses dramatiques au courant de la dernière semaine, allant jusqu’à 80% de réduction dans la portée organique pour des publications similaires à ce qui se faisait dans un passé récent. Ces réductions semblent affecter autant des pages de célébrités, des petites et grandes entreprises, et même des organismes à but non lucratif. Bref, ça ratisse large.
D’autres ont néanmoins partagé que leurs publications atteignaient autant de gens qu’avant, voire même plus dans le cas de certains contenus. Les groupes de discussion semblent également favorisés par l’algorithme, donc on risque de voir de plus en plus de pages se lier à un ou des groupes, et investir dans cette approche dans un avenir rapproché.
Les solutions
J’ai vu, lu et entendu plusieurs théories et solutions possible pour faire face à cette nouvelle réalité pour les pages qui souhaitent performer sur Facebook. Des bonnes et des moins bonnes, mettons. Voici quelques pistes à envisager, en vrac:
Revenir à la base: C’est un conseil qui est toujours pertinent, et d’autant plus en ce moment. Posez-vous la question sur le rôle de Facebook dans l’écosystème numérique de votre marque. Quel rôle joue Facebook pour votre entreprise: service-client? ventes? notoriété? R&D? communications? Certaines marques utilisent leur présence Facebook pour amplifier la portée de contenus publiés sur leur site web ou blogue, alors que d’autres y publient des contenus originaux. Chaque approche comporte ses avantages, selon les objectifs d’affaires poursuivis.
Miser sur les médias propriétaires: Dans la foulée du point précédent, peut-être est-ce enfin le temps de miser sur du contenu hébergé sur votre site web, sous la forme d’un blogue, d’une section “nouvelles”, “événements” ou autres promotions, que vous pourrez par la suite partager via votre infolettre et les médias sociaux. Vous avez une infolettre, n’est-ce pas?
Revisiter votre stratégie de contenu: C’était peut-être OK de publier 5-6 fois par semaine l’an dernier, mais en 2018, si chacune de vos publications ne score pas (c’est-à-dire ne suscite pas la conversation), il est peut-être temps de repenser la fréquence et la nature des contenus qui seront partagés: articles, liens, photos, vidéos, diffusion en direct, etc.
Envisager d’autres plateformes: J’ai vu plusieurs articles et mentions de gens disant “on va transférer nos efforts vers Twitter”. Certains le disaient boutade, d’autres le croyaient vraiment. La vraie question est de savoir quelle plateforme vous permettra d’atteindre aussi efficacement votre clientèle cible. Si votre auditoire est effectivement sur Twitter, allez-y! Mais on risque de vouloir regarder plus attentivement vers Instagram ou Pinterest, ou si vous êtes vraiment désespérés, vers Ello ou Google+ 🙂
Dégager du budget pour Facebook: La dernière solution paraitra cynique mais depuis le temps que je vous en parle, il est temps d’enfin se dire les vraies choses: c’est du marketing, qu’on fait! On pourra encore et toujours obtenir certains succès avec des publications organiques, mais il y a habituellement un coût pour obtenir ces résultats: une ressource dédiée pour gérer la page (gestionnaires de communauté, pigiste ou autre), le graphisme pour de belles images, les prix qu’on fait tirer, etc.
Les publicités sur Facebook peuvent être diablement efficaces, surtout si on les combine avec des publications mises de l’avant, aidant ainsi à la performance organique des autres publications. Il devient donc maintenant plus évident que Facebook est une “dépense marketing”, et non plus un “médias social gratuit”, comme on l’entendait à une époque pas si lointaine…
Sachez enfin que l’algorithme de Facebook changera encore, en grande partie parce que les pages auront trouvé une manière de contourner les limites actuelles et à venir. Comme le mentionne Jon Loomer dans son plus récent article, c’est dans la nature même des publicitaires de chercher à atteindre le plus de monde sur Facebook, en payant le moins possible et en contournant les règles de l’algorithme. Bref, les solutions magiques n’existent pas: on devra encore et toujours trouver la meilleure manière de susciter la conversation avec nos utilisateurs par l’entremise de contenus pertinents et divertissants.
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