Je lisais tout récemment un article intéressant sur le site The Atlantic, dans lequel l’auteur évoquait rien de moins que la fin de l’ère des médias sociaux. C’est un peu fort de café, si vous voulez mon avis, mais il n’avait pas tout faux non plus.
Pour le journaliste Ian Bogost, les médias sociaux étaient dès le départ une fausse bonne idée, des plateformes non naturelles pour socialiser, jouer et travailler, devenues seconde nature par la force des choses. Il est vrai que ce n’est pas forcément une bonne idée de donner la libre parole à tout le monde sur de telles plateformes publiques. Et il est aussi vrai que nous sommes à un virage important dans l’évolution de ces réseaux en ligne, après avoir vécu en quelque sorte un eldorado pendant la dernière décennie.
La chute de Twitter
D’abord, il faut parler de Twitter. Évidemment, difficile de passer à côté de cette saga qui n’en finit plus de s’enliser. Après le rachat de la plateforme par Elon Musk, pour la modique somme de 44 milliards de dollars américains, on dirait une véritable vente de feu. Ou une mort en direct, c’est selon. Il y a tout d’abord eu cette décision controversée d’imposer un frais de 8$/mois par utilisateur souhaitant obtenir le crochet “certified”.
50% des employés ont été congédiés dans les jours qui ont suivi la transaction, puis il y a eu défection massive de programmeurs clés et membres décisionnels de la direction la semaine dernière. À un point tel que d’aucuns doutent aujourd’hui de la sécurité de plateforme, avec des utilisateurs qui quittent en masse.
Personnellement, il y a longtemps que j’ai cessé de croire en Twitter. En 2016, je publiais d’ailleurs ici-même un article intitulé: Le début de la fin pour Twitter. C’était bien sûr avant l’arrivée au pouvoir de Donald Trump à la présidence américaine, marquant une forme de renaissance (ou sursis) pour Twitter, qui devenait alors le canal de communication quasi-officiel de la Maison Blanche!
Qu’à cela ne tienne, les arguments que je soulevais à l’époque demeurent encore d’actualité. Il s’agit d’une plateforme de niche, qui demande beaucoup d’efforts et de temps (que n’ont pas les PME) pour très peu de résultats. Et avec ce qui se passe depuis quelques semaines, j’ose croire que la chute actuelle sera sans retour pour Twitter.
Facebook en arrache
Pendant ce temps, ce n’est guère mieux du côté de Meta, et plus particulièrement avec Facebook. On apprenait ainsi que près de 11,000 employés étaient congédiés il y a deux semaines, ce qui témoigne notamment de l’excitation exagérée (et des embauches) du fondateur Mark Zuckerberg envers le métavers.
Même si Facebook demeure encore le média social le plus populaire au Canada et dans la plupart des pays occidentaux, la désaffection est bien réelle du côté des utilisateurs de moins de 25 ans. Heureusement pour cette plateforme, elle a su construire un écosystème qui la prévient à court et moyen terme d’une chute à la Twitter. Je réfère notamment aux groupes Facebook, à Marketplace, à Facebook Rencontres, aux vidéos (Facebook Watch), aux événements en direct, à la messagerie intégrée comme outil de service-client pour les entreprises, etc.
Par contre, la dépendance des revenus à la publicité numérique est ce qui lui fait le plus mal. Dans un monde numérique où l’on souhaite de moins en moins être suivi, avec notamment la fin des cookies sur Apple en avril 2021 et bientôt sur Google Chrome d’ici 2024, Meta a perdu plus de 40% de sa valeur en bourse et ne cesse de naviguer contre des vents de front.
Lueur d’espoir avec Instagram
Heureusement pour Meta, il y a Instagram qui continue d’être populaire et utilisée par une grande majorité des consommateurs. Mais là encore, on sent une certaine panique du côté de cette plateforme face à la montée en puissance de TikTok. L’été dernier, les utilisateurs ont été échaudés par les changements apportés, notamment la vidéo plein écran à-la-TikTok, et des contenus proposés dans le fil sans que cela ne provienne des comptes et pages auxquels on est abonnés.
Le PDG d’Instagram, Adam Mosseri, a reculé face à la grogne populaire mais le mal était fait, en quelque sorte. On réalise que, tout comme Facebook, Instagram tarde à se renouveler et c’est du côté de TikTok que les yeux (et les revenus publicitaires) semblent se tourner…
TikTok, tout va bien?
La seule plateforme majeure encore en véritable croissance demeure justement TikTok. Avec plus d’un milliard d’utilisateurs actifs à la fin 2021, TikTok aurait présentement atteint 1.5 milliards d’utilisateurs actifs, soit une augmentation de près de 50% en moins d’un an, alors que toutes les autres plateformes semblent avoir atteint leur plateau de maturité.
Surtout, ce sont les investissements publicitaires qui sont de plus en plus au rendez-vous. Les entreprises réalisent ainsi que c’est sur TikTok que très souvent se trouvent leur clientèle cible. Surtout, pas de comptes publicitaires fermés sans raison ou de règles changeantes à la Facebook. Certes, le placement publicitaire s’est amélioré mais ne demeure pas aussi sophistiqué que ce que l’on retrouve avec le Gestionnaire de publicité dans Meta. Mais ça ne saurait tarder.
Lire aussi: Le passage à l’âge adulte pour TikTok
Toutefois, le nuage qui persiste au-dessus de la tête de TikTok est celui des données privées et leur potentielle utilisation par la maison-mère en Chine, ByteDance. Après les menaces de Donald Trump (encore lui!) de vouloir fermer l’accès à la plateforme sur le sol américain en 2020, c’est maintenant au FBI de s’en mêler. On aurait tort d’ignorer ce risque et tout mettre ses oeufs dans un seul panier avec TikTok, aussi performante soit-elle.
Linkedin, business as usual
Je ne m’en voudrais de ne pas mentionner Linkedin qui, dans cette tempête des médias sociaux, continue de faire son petit bonhomme de chemin. Acquise par Microsoft en 2016, cette plateforme continue de bien jouer son rôle de réseautage entre professionnels de différents niveaux et de différents horizons.
Ce n’est pas la plateforme la plus sexy mais elle joue son rôle, surtout pour le B2B et le recrutement. Bon, est-ce qu’on voit une augmentation de gourous auto-proclamés qui cherchent à inspirer leur réseau avec leurs confessions, citations et autres trucs de motivation sans vraie valeur ajoutée? C’est sûr. Mais Linkedin demeure pertinente, surtout pour les individus et entreprises qui cherchent à construire ou maintenir leur position de leadership ou d’autorité dans une sphère d’activité, industrie ou spécialité.
Le sujet vous intéresse? Vous pouvez visionner dès maintenant mon webinaire Linkedin comme outil de développement des affaires.
Et les autres?
Est-ce que la chute des grands comme Twitter et Facebook peut signifier une opportunité pour de nouveaux joueurs? Il s’agit toujours d’une possibilité mais on voit trop souvent des appelés et peu d’élus au cénacle des plateformes au top. (Ello? Vero? Google+? Vine? Periscope? Babble?)
Avec la disparition imminente de Twitter, certains parlent de Mastodon comme plateforme de remplacement. Permettez-moi d’en douter. J’ai testé un peu et ce n’est pas très user-friendly, pour dire les choses poliment.
De même, on parle beaucoup de BeReal depuis le début de l’année. À tel point que TikTok a flairé la bonne affaire et copié la formule avec ces TikTok Now, mis de l’avant depuis quelques semaines. Voilà une application mobile très populaire chez les jeunes et dont le succès repose sur l’instantanéité de la formule. Par contre, peu d’intérêt pour une entreprise d’y être. Pour les possibilités éventuelles de monétisation, ce ne sera pas simple.
Sinon, rien de vraiment transcendant du côté des autres plateformes sociales populaires, mais moins omniprésentes: Snapchat, Pinterest, Twitch, Discord, etc. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne se passe rien – on voit notamment YouTube s’activer avec Shorts pour rivaliser – là encore – TikTok et le temps d’attention à consommer des vidéos courtes.
Bon débarras…
Tout compte fait, la fin des médias sociaux, ou à tout le moins leur déclin, est-elle une bonne chose? C’est ce que semble croire le journaliste Bagost, mentionné en début d’article. Je cite la conclusion de son article:
“We cannot make social media good, because it is fundamentally bad, deep in its very structure. All we can do is hope that it withers away, and play our small part in helping abandon it.”
Ian Bagost, The Atlantic
Peut-on vraiment prétendre qu’on ne puisse rendre les médias sociaux bons car ils seraient intrinsèquement et fondamentalement mauvais? Ces plateformes mettent en relief le comportement humain, avec ses beaux et moins beaux contours. Bien sûr, les algorithmes jouent un rôle certain pour orienter les décisions, comme on l’a tristement réalisé avec Facebook et son rôle dans plusieurs élections (il faut voir le documentaire The Great Hack au sujet du scandale Cambridge Analytica pour s’en convaincre).
Mais on a également vu de très belles initiatives naitre de l’avènement des médias sociaux. Et une liberté de parole qui, bien que cela vienne avec son lot de désagréments, aura eu des impacts positifs à plusieurs égards, depuis le printemps arabe à aujourd’hui.
Une chose est sûre, nous sommes à un tournant. Pour les PME, toutefois, il importera encore à court et moyen terme d’assurer une présence sur ces plateformes afin de garder les communications ouvertes avec nos communautés et parties prenantes.
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