Née au coeur de la crise dot.com et du fameux bogue de l’an 2000, le site de commentaires TripAdvisor en arrive donc à son adolescence, une époque comme on le sait généralement tumultueuse menant à l’âge adulte. Anciennement sous le giron du groupe Expedia, TripAdvisor vole de ses propres ailes depuis décembre 2011.
À peu près au même moment, on apprenait que Google larguait le site afin d’utiliser son propre système de commentaires, puisés en partie à même la base de données issue de l’acquisition de Zagat. Malgré cette période trouble, aujourd’hui TripAdvisor semble se tailler une place incontournable dans l’échiquier du marketing touristique numérique.
Voici cinq arguments en ce sens:
1. Site de commentaire de référence
Avec 13 années au compteur, déjà, le facteur “expérience” joue en faveur du site, ayant su fidéliser une base croissante d’utilisateurs au fil des années. TripAdvisor a d’ailleurs atteint la barre mythique des 100 millions de commentaires plus tôt cette année, et on sait que 60 millions de visiteurs uniques se rendent directement sur le site web à chaque mois.
Ce qu’on oublie parfois de mentionner, c’est l’alliance stratégique entre TripAdvisor et Facebook depuis plus d’un an. On voit ainsi les commentaires, hôtels ou restaurants visités par des amis, directement dans votre fil de nouvelles Facebook, quand ce n’est via un courriel de TripAdvisor sur les “activités récentes de membres de votre réseau”.
Un site populaire
TripAdvisor estime ainsi à 300 millions de visites par mois le traffic en provenance de sites externes, tels que Facebook (du traffic référent, en quelque sorte).
Avec l’avènement des médias sociaux et des sites de commentaires générés par les utilisateurs, les communications traditionnelles se trouvent ainsi bouleversées et le consommateur se fie de moins en moins aux publicités, voire même au site du prestataire ou de la destination.
Les sites de commentaires sont ainsi devenus la référence quand vient le moment de planifier un voyage, surpassant même l’opinion de parents, collègues et amis, qui ont longtemps remporté la palme à ce chapitre. Je vous en parlais d’ailleurs dans ce billet, L’influence croissante des sites de commentaires.
Enfin, une statistique qui en dit long: selon une étude indépendante de la firme PhoCusWright en 2011, 98% des utilisateurs ont dit avoir trouvé “justes et fidèles à la réalité” les commentaires lus au sujet d’un établissement, à leur retour de voyage.
En d’autres mots, même s’il y a présence d’avis contraires, voire même frauduleux (que certains estiment entre 8-10%), l’internaute moyen saura départager le tout et y trouver l’information souhaitée.
2. TripConnect, l’outil pour concurrencer Google
Lancée il y a quelques jours, la nouvelle fonctionnalité TripConnect permet dorénavant aux établissements de placer de la publicité directement sur le site de TripAdvisor. Cette fonctionnalité devrait d’ailleurs être particulièrement prisée des plus petits joueurs, auberges, gîtes et hôteliers indépendants n’ayant pas les moyens d’investir des sommes considérables sur l’achat de mots-clés ou de bannières web.
Certains parlent ainsi d’une mini-révolution au sein des investissements marketing, car plusieurs prestataires questionneront dorénavant leur placement média et quels dépenses génèrent les meilleurs retour sur l’investissement.
En effet, voudra-t-on investir quelques dollars dans une campagne AdWords, où la compétition est féroce notamment vis-à-vis des OTA telles Booking.com ou Expedia, et où l’internaute n’est pas encore qualifié? D’aucuns verront l’avantage d’investir sur la plateforme (TripAdvisor) où le voyageur potentiel est plus près du but, dans l’entonnoir décisionnel menant à la transaction…
Ceci ne veut évidemment pas dire que les campagnes de mots-clés n’ont plus leur raison d’être, mais pour les petites et moyennes entreprises, qui forment notamment 80% de l’industrie touristique nord-américaine, cette nouvelle option risque d’aller occuper une part non négligeable de la tarte des investissements web. Au détriment de Google, selon moi.
3. Un site de méta-recherche
Pourquoi une compagnie comme Priceline, cotée en bourse, le vent dans les voiles avec notamment sa filiale Booking.com, dépense-t-elle 1.8 milliards US$ pour faire l’acquisition du site Kayak ? Ce site est un moteur de méta-recherche, c’est-à-dire qu’il procède à des recherches parmi une panoplie de sites d’agences de voyages en lignes, plutôt que directement auprès des fournisseurs.
Et selon toute vraisemblance, les sites de méta-recherche offrent le meilleur potentiel de croissance dans les années à venir, compte tenu de la saturation du marché avec les joueurs actuels.
Cette initiative va également dans le sens de la fonctionnalité TripConnect, ou à tout le moins vient compléter l’écosystème dans lequel les plus petits joueurs, tout comme les grandes chaines, vont chercher à “sortir” dans les résultats de recherche que feront les utilisateurs pour une destination donnée.
On remarque d’ailleurs que ce premier visuel donne la part belle aux OTA et à leur proposition distinctive, i.e. pour Booking.com, “Quick, Simple, Easy to Use. Best Price Guarantee!”
4. À l’assaut des tours et activités… et des restaurants!
J’aurai l’occasion de vous parler du marché des tours et activités dans un prochain billet, mais plusieurs estiment qu’il s’agit du prochain klondike, encore sous-estimé et mal exploité au niveau de sa commercialisation, surtout au niveau numérique.
Saviez-vous qu’on estimait à 20 milliards US$ la valeur de ce marché, uniquement aux États-Unis, en 2011? Des sites tels que Viator, TourCMS et Rezgo occupent une position privilégiée dans ce segment du marché touristique.
Or on estime ce marché à près de 67 milliards US$ en Europe, et de 30-40% supérieur si on inclue l’Asie-Pacifique. Justement, on tend à l’oublier mais TripAdvisor occupe déjà une présence dans ce secteur, mais les efforts ont traditionnellement été mis du côté hôtelier. Jusqu’à présent.
Une site en évolution
Une recherche sur la destination “Montréal, Québec” dans TripAdvisor nous donne d’ailleurs 227 activités et attraits touristiques. Il reste maintenant à voir comment le site mettra l’emphase sur cet aspect moins utilisé de son site. Au même titre, il est de plus en plus question des restaurants dans l’écosystème TripAdvisor.
Reprenant encore l’exemple pour Montréal, on dénombre… 3,924 restaurants! Il y a donc une belle opportunité de “monétiser” cette présence, au moyen des outils mentionnés ci-haut et en faisant compétition aux sites spécialisés tels que Yelp, Zagat, OpenTable ou Foodspotting.
Au printemps 2013, TripAdvisor a d’ailleurs commencé à travailler avec la compagnie américaine, Factual, spécialisée dans les données du milieur de la restauration, afin de bonifier l’information fournie sur le site, afin de mieux répondre aux demandes des internautes.
5. Fusion et acquisition
Enfin, le statu quo n’étant pas vraiment une option dans ce monde où les choses avancent à la vitesse grand V, TripAdvisor procède à plusieurs acquisitions qui viennent bonifier son offre et sa présence dans l’échiquier touristique.
On pense tout d’abord aux locations de vacances, rendues populaires par la notoriété de sites comme AirBnB mais aussi HomeAway, Wimdu ou HouseTrip. Saviez-vous que TripAdvisor offre de la location de vacances, ayant acheté les sites FlipKey et Holiday Lettings ?
On retrouve donc 4,420 options d’hébergement en appartement ou location de chalet à Paris avec TripAdvisor, mais il y a encore loin de la coupe aux lèvres si on compare aux 17,924 propriétés listées sur AirBnB pour cette même ville! Rien n’empêche toutefois TripAdvisor de faire l’acquisition d’un ou plusieurs sites pouvant l’aider à venir lui combler cette lacune apparente.
La recherche holistique
Un autre point sur lequel TripAdvisor devrait bientôt mettre l’emphase: la recherche holistique. Il n’y a présentement aucun engin de recherche qui réponde adéquatement à une question telle: “Où aller avec mes enfants pour un séjour urbain et culturel?” ou encore “Quel est le meilleur resort dans les Caraïbes pour un couple?”
Les engins ne sont pas programmés afin de répondre à ce type de question, mais il va sans dire que c’est le genre de réponse que recherchent plusieurs internautes dans leur processus de recherche. Le virage mobile et tablette vient d’ailleurs accentuer cette aspect, avec un nombre croissant de recherches faites par mode vocal.
La dernière refonte à l’algorithme de recherche de Google, alias Colibri, souligne d’ailleurs cet aspect. TripAdvisor serait en train de plancher sur un module de recherche adapté, selon la rumeur…
Dernier point: lors d’un récent entretien avec le magazine numérique Skift, le PDG de TripAdvisor, Stephen Kaufer, estimait que TripAdvisor atteignait présentement environ 10-11% du volume mensuel des internautes faisant des recherches liées au voyage. Il reste donc encore 90% à aller chercher, dans une industrie en croissance à l’échelle mondiale.
Certains segments de marché, mais aussi certains pays et divers utilisateurs seront donc ciblés dans les offensives à prévoir, pour ce site dont on n’a pas fini d’entendre parler. On ne se surprend donc pas de voir TripAdvisor commencer dans la pub traditionnelle télé, question de rejoindre une plus grande masse critique de voyageurs potentiels, comme en fait foi cette vidéo:
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