Depuis quelques années, on entend beaucoup parler des nouveaux sites de distribution du voyage, tels Booking.com, Hotwire, Expedia, Travelocity ou Voyages à rabais. Ces OTA (online travel agencies ou agences de voyages en ligne) proposent des solutions clés-en-main, ou ce qu’on appelle communément le one-stop-shop, où le consommateur retrouve toutes les informations recherchées en un seul clic, ou presque. Ces sites misent énormément sur la puissance de leur marketing, investissant tant dans l’achat de mots-clés sur Google AdWords, que sur une expérience-client, avec une ergonomie agréable tant sur ordinateur, smartphone que tablette. D’ailleurs, plusieurs en sont rendus à leur 4e ou 5e itération, au grand dam des hôteliers qui sont plus souvent qu’autrement à la traîne à ce niveau. Mais pendant que notre attention se porte sur le débat de la distribution entre hôteliers et OTA, on en vient à sous-estimer ce qui pourrait s’avérer un pertubateur encore plus sérieux du modèle actuel: l’économie collaborative, et son fleuron AirBnB.
Airbnb, vous dites ?
AirBnB n’est pas un site de lignes aériennes, ni un truc spécialisé dans les gîtes (B&B), contrairement à ce que son nom pourrait laisser croire. Le site est né en 2008 alors que ses créateurs devaient accueillir plusieurs amis et connaissances lors d’un événement se tenant dans leur ville, San Francisco. Comme il manquait de chambres dans les hôtels et auberges de la ville, ils ont tout simplement installé des matelas d’air (Air mattress) chez eux, et se sont improvisés hôtes (BnB, comme dans bed & breakfast). La plateforme créée pour prendre des réservations s’est alors transformée, a évolué au fil du temps et six ans plus tard, AirBnB est certainement le joueur le plus connu de cette nouvelle économie qu’on dit collaborative car elle permet aux utilisateurs de transiger entre eux sans intermédiaire. Aujourd’hui, on y répertorie plus de 600,000 chambres ou appartements dans 34,000 villes situées dans 192 pays à l’échelle mondiale.
Il existe évidemment plusieurs autres joueurs importants dans cette nouvelle économie, dont certains sont même plus gros, et je vous en parlais d’ailleurs dans cet article en deux temps : Hébergement illégal: l’industrie face à un dilemme ainsi que Hébergement illégal: on fait quoi maintenant. Néanmoins, AirBnB est devenu la bête noire des hôteliers et porte-étendard de facto de l’économie collaborative en raison de causes légales hautement médiatisées aux États-Unis, notamment dans l’état de New York. D’ailleurs, tout récemment, AirBnB annonçait son intention de collecter les taxes à San Francisco, New York et Portland sur la base d’un projet-pilote, ce qui viendrait en partie répondre à une des demandes issues des instances gouvernementales concernées.
Valeur estimée: $10 milliards
Et alors, direz-vous peut-être? Eh bien il faut savoir que AirBnB vient tout juste de clore une ronde de financement privé, allant chercher plus de $450 millions de dollars, ce qui devrait constituer un bon fonds de guerre pour justement déployer une programmation dans divers états et pays où son fonctionnement actuel pose problème. Sans parler du marketing plus aggressif auquel on devrait avoir droit sous peu.
Mais voilà, ça ne s’arrête pas là. Avec cette nouvelle source de financement, les rumeurs sont fortes pour une entrée en Bourse d’ici la fin 2014, et la valeur actuelle de l’entreprise est d’ailleurs estimée à $10 milliards de dollars. Pour vous mettre les choses en contexte, ce chiffre est plus élevé que la valeur actuelle des plus grands chaînes hôtelières au monde telles Accor, Hyatt, Wyndham ou InterContinental Hotel Groups!
[Tweet “À $10 milliards, AirBnB vaudrait plus que Hyatt, Accord, Wyndham ou InterContinental!”]
Les prochains développements
Le plus intriguant réside néanmoins dans les prospectus de financement, détaillant notamment les intentions d’AirBnB à court, moyen et long terme. On y apprend quatre développements qu’il sera intéressant de surveiller:
Un canal de distribution
Bien qu’on retrouve encore et toujours des particuliers offrant une pièce de leur condo, leur appartement au complet ou leur chalet, il y a également les propriétaires de logements qui gèrent leur inventaire sur ce type de site, de manière plus professionnelle. Mais de plus en plus, on remarque la présence d’un troisième type d’acteur: des hôteliers en bonne et due forme! En raison de la notoriété du site et du trafic généré, on voit ainsi des gîtes, hôtels et centres de villégiature utiliser AirBnB comme canal de distribution au même titre que les OTA, notamment. Pour AirBnB, il pourrait donc s’agit d’un potentiel énorme, si la tendance devait se manifester à plus grande échelle.
Réunions et Congrès
Si on peut rendre un logement (maison, chalet, appartement, cabane, château, etc.) disponible sur AirBnB, pourquoi ne pourrait-on pas envisager la location de salles pour des réunions, congrès ou événements? On estime d’ailleurs que le tourisme d’affaires représente présentement environ 7% des réservations sur AirBnB, sous la moyenne de l’industrie qui oscille entre 8-10% de la totalité des voyages. Il y aurait donc un potentiel à exploiter où certains propriétaires pourraient rendre leur logement disponible, mais aussi des salles de réunion, cour arrière pour un lac-à-l’épaule, etc.
Et je ne parle pas de louer votre bureau à l’heure ou à la minute, comme dans ce délicieux Poisson d’Avril justement concocté par AirBnB…
[youtube]http://youtu.be/S0MmNM0a_RU[/youtube]
Partage de voitures
Vous avez peut-être entendu parler des rondes de financement récemment conclues par deux entreprises émergentes de l’économie collaborative, liées au transport automobile: Über et Lyft. Ces deux entreprises font d’ailleurs vaciller le modèle existant des taxis dans certaines villes nord-américaines et européennes. D’autres services comme BlaBlaCar, ZimCar ou RelayRide proposent le partage de voitures pour économiser des frais et mieux rentabiliser l’investissement automobile. Sans oublier des services comme Park At My House qui propose le partage d’espaces de stationnement, surtout en milieu urbain où les coûts peuvent être prohibitifs. Les intentions d’AirBnB sont clairs dans les prospectus, comme en fait foi cet extrait:
[blocktext align=”center”]… to develop software that allows users to search for travel, transportation, temporary accommodation, vehicle and ride sharing and temporary vehicle parking listings, travel information and related topics and for making reservations and bookings for transportation, temporary accommodations, vehicle and ride sharing and temporary parking[/blocktext]
Tours et activités
Enfin, un dernier développement, et non le moindre, concerne les tours et activités offerts une fois à destination. AirBnB s’apprêterait à proposer une solution où les utilisateurs de la plateforme pourraient effectuer des réservations pour les attraits, tours guidés, festivals et événements, directement sur le site. Il est également question d’y intégrer les commentaires et appréciations d’autres utilisateurs, un peu comme le fait Yelp ou TripAdvisor.
Alors, vous croyez que AirBnB peut véritablement prendre une place dominante dans l’échiquier touristique ou qu’il s’agit d’une bulle spéculative ou tendance passagère? N’hésitez pas à laisser vos commentaires ici-bas.
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