Blogue de Frederic Gonzalo

Le retour des années folles

Revenge Travel, mythe ou réalité?

Voilà, l’été est officiellement arrivé! Bon moment pour se jaser un peu de voyages et de tourisme, non? Depuis quelques temps déjà, on entend parler d’un phénomène qui sera certainement en vogue au cours des prochaines semaines, mois, voire même années: le revenge travel.

Van life et revenge travel, un bon mix

Sur le blogue français etourisme.info, je publiais d’ailleurs un article à ce sujet en mars dernier: L’heure de la revanche a sonné! De quoi s’agit-il, et serez vous de ceux et celles qui seront emportés par la vague?

Définition du revenge travel

La « revanche par le voyage », c’est une forme d’exutoire où le consommateur cherche à compenser la perte de liberté et certaines formes de plaisir qui ont été évacués pendant la dernière année de pandémie. En d’autres mots, pour se « venger » d’avoir perdu une année de notre vie en confinement, avec un minimum d’activités, de sorties au restaurant ou au bar, on cherchera à mettre les bouchées doubles quand le voyage sera permis de nouveau.

Une étude de la firme PCI, parue en début d’année, vient d’ailleurs confirmer ce phénomène: « les Canadiens vont prioriser les dépenses de voyage après la pandémie – avant les vêtements, les voitures et les smartphones”. Et si je me fie au feedback de mes amis qui bossent comme conseillers en voyage, la demande est complètement folle depuis les récentes annonces de relâchement aux conditions de quarantaine pour les retours de voyages au pays!

Le retour des années folles? (Source: The Great Gatsby, 2013)

Bref, un peu comme pour la décennie qui a succédé à la Première Guerre mondiale et la grippe espagnole il y a plus d’un siècle, on s’apprêterait à vivre les années folles!

Permettez néanmoins que j’aborde quelques mythes et légendes à ce sujet, question de ne pas trop s’enflammer trop vite.

Les touristes dépenseront plus que jamais

Ce n’est pas un mythe. Le consommateur voudra se gâter et sera prêt à dépenser plus que jamais pour effectuer des voyages, que ce soit de courte ou longue durée. Pour plusieurs, la dépense aura été assez limitée au cours des 18 derniers mois, hormis pour s’acheter du linge mou, payer l’abonnement à Netflix, Amazon Prime ou Disney Plus, ou encore commander des repas pour emporter.

Aux États-Unis, baromètre de la reprise touristique dans le monde occidental en ce moment, on voit d’ailleurs les tarifs hôteliers revenus au niveau de 2019, même si la demande demeure près de 25% sous le niveau de cette année de référence.

Selon un rapport de la firme Euronews, paru il y a quelques mois, on voit ainsi poindre des tendances lourdes qui se concrétisent déjà cet été:

  • Tourisme de santé (wellness), avec soins thérapeutiques dans les spas, massages, nutrition, yoga, etc. On a envie de se faire dorloter!
  • Tourisme de nature (wilderness), avec offre foisonnante d’hébergement insolite, excursions et hiking en forêt, tyrolienne, activités nautiques, via ferrata, et plus encore! Le glamping a d’ailleurs la cote, avec les yourtes et autres offres de luxe.
  • Retraites de longue durée, que ce soit pour des séances de yoga ou méditation, faire du motocross ou apprendre un instrument de musique, on voit de plus en plus de séjours de 7-10 jours, prolongeant de ce fait la dépense touristique pour l’expérience.

Il sera intéressant de voir si les Québécois et les Canadiens suivront cette tendance dès cet été, compte tenu de la lenteur du processus de déconfinement. Mais surtout, compte tenu que les frontières demeurent fermées et qu’un plan de réouverture se fait toujours attendre…

Les voyages coûteront plus cher

Difficile de trancher sur cet aspect. En théorie, les tarifs aériens devraient être plus élevés en raison de plusieurs facteurs:

  • Il y a encore peu de liaisons internationales régulières confirmées, en raison des contraintes d’entrées aux frontières dans plusieurs destinations;
  • Les lignes aériennes doivent rappeler leur pilotes et employés de bord, procéder à des re-certifications et formations obligatoires, ce qui prend du temps (et de l’argent);
  • Plusieurs lignes aériennes ont disparu ou ont une situation financière précaire. Ce n’est pas le temps de brader les billets, à moins de vouloir courir encore plus rapidement à sa perte…

Par contre, en pratique, on ne voit pas une si grand hausse à ce stade-ci. Au Canada, par exemple, ceci est en partie attribuable à la compétition en provenance d’un nouveau joueur low-cost, Flair airlines, dans l’Ouest du pays. Mais est-ce que ça va durer? Permettez-moi d’en douter.

Quant à l’offre d’hébergement, le portrait est très varié. La location de chalets et hébergement à la Airbnb ou Vrbo est en demande fulgurante, ce qui pousse les tarifs à la hausse. Pour les hôtels urbains, par contre, l’offre étant surabondante vis-à-vis de la demande, on peut s’attendre à des prix compétitifs au cours des prochains mois.

Dans les restaurants, on peut s’attendre à une hausse des tarifs pour plusieurs raisons. D’abord, les denrées alimentaires coûtent plus cher. Puis, en raison de la difficulté pour recruter des employés, on doit augmenter le salaire des cuisiniers et serveurs, ce qui se reflétera ultimement dans le prix des plats offerts au menu.

Le tourisme reviendra rapidement en force

Selon un rapport AAA paru ce matin, on estime que les voyages aux États-Unis pour le congé férié du 4 juillet 2021 seront seulement 2.5% sous le niveau de 2019, année record en tourisme. Bref, on serait pratiquement revenu au niveau d’antan! Il n’en fallait pas plus pour que certains clament haut et fort que « tous ces spécialistes qui prédisaient que ça prendrait 5 ans avant une reprise totale se sont bien fourvoyés »! On se calme.

Occupation hôtelière au Canada, en date du début juin 2021. Source: Webinaire Amadeus

Comme on peut le voir dans ce tableau ci-dessus, on voit que la demande hôtelière au Canada, en date du début juin 2021, est loin des niveaux de 2019. NOTE: Il s’agit des réservations on the books, c’est-à-dire confirmée dans le système en date du début juin. On peut bien sûr prévoir une hausse pour cet été, au fur et à mesure que la confiance reviendra, mais jamais assez pour rattraper le retard immense qu’on observe.

Restrictions aux frontières

Et comme je le soulignais dans le plus récent article paru sur mon blogue en anglais 7 obstacles to travel right now, le plus gros obstacle demeure: la pandémie! Car on l’oublie peut-être, mais le virus de la Covid-19 n’est pas disparu et les variants causent des problèmes du Royaume-Uni au Japon en passant par l’Inde. On voit ainsi les frontières qui s’ouvrent timidement un peu partout à travers la planète, mais avec des conditions qui limiteront le tourisme de masse: passeport santé, test PCR obligatoire avant l’entrée, quarantaines recommandées dans certains destinations, etc. La Chine vient d’ailleurs tout juste d’annoncer la fermeture de ses frontières jusqu’à 2022 au moins.

Absence du tourisme d’affaire

Si le voyageur d’agrément reviendra avec une certaine forme de vengeance, il en sera différemment du tourisme d’affaire. Voilà un secteur du voyage qui aura changé au cours de la pandémie, et dont certaines adaptations vont demeurer, notamment le volet hybride des congrès et événements. Les grands congrès de 10,000 participants, si payants pour une destination – pensez salles de réunion, traiteurs, audio-visuel, sorties, restos, hôtels, souvenirs, etc. – se confirment souvent sur des cycles de trois à cinq ans d’avance. Ce n’est donc pas demain la veille que les grandes villes comme Montréal, Toronto ou Boston verront leur carnet aussi remplis qu’en 2019.

La pénurie de main d’oeuvre fait mal

Le dernier argument ici est non le moindre. En fait, j’aurais pu écrire un article uniquement sur cet enjeu tellement il est criant en ce moment dans l’industrie touristique à l’échelle nord-américaine. Mais concrètement, pourquoi cet aspect a-t-il un impact sur la reprise du tourisme? Laissez-moi vous donner deux exemples.

Il y a deux semaines, on apprenait que l’hôtel Germain Charlevoix, à Baie-Saint-Paul, avait toujours 65 postes à combler. À la mi-juin, deux semaines avant que la saison batte son plein, on doit encore aller chercher… 65 personnes?? Groupe Le Massif et le Groupe Germain mettent en place une navette entre Québec et Charlevoix (une heure de route pour un aller simple) afin d’aider dans le recrutement des employés. Est-ce que ce sera suffisant?

Pénurie de main d’oeuvre en restauration

Si on ne trouve pas le staff, que pensez-vous qu’il va se passer? On devra enlever des chambres dans l’inventaire (car il n’y aura pas assez d’employés pour faire l’entretien et le ménage), on devra fermer le service en terrasse ou le dîner du midi au restaurant (car il n’y aura pas assez de cuisiniers ou de serveurs pour assurer le service), et ainsi de suite.

Un scénario similaire se reproduit dans le Bas-du-fleuve, ou certains hôteliers doivent fermer leur restaurant trois ou quatre jours par semaine, faute d’employés. En tant que touriste, ça vous dit quand même d’aller à un hôtel avec vos enfants pour ne pas pouvoir profiter de la piscine, fermée car il n’y a pas de sauveteur disponible? Et le petit-déjeuner n’est pas servi en salle à manger mais dans un sac pour emporter, ici encore par manque d’employés?

L’offre touristique sera renouvelée et de qualité

Les derniers 18 mois auront eu un impact sur le moral des troupes, des employeurs aux employés en passant par les fournisseurs de services. Toutefois, l’impact se fait également sentir au niveau des flux de trésorerie, et du sous-investissement qui en découle. En effet, les hôtels et restaurants qui peinent à garder leurs employés et payer le loyer ou l’hypothèque auront décalé les travaux de maintien ou projets de rénovations nécessaires. Résultat? Plusieurs établissements montrent un certain « manque d’amour », pour ainsi dire.

La pandémie aura certes forcé l’innovation à certains égards, notamment par le virage numérique nécessaire pour répondre aux besoins et attentes du consommateur d’aujourd’hui. Mais de là à dire que l’on retrouvera une offre touristique revampée, avec un produit à la fine pointe et une expérience client digne de ce nom? Ici encore, j’ai mes réserves.

Ces réserves découlent en grande partie de l’enjeu des ressources humaines, véritable épine au pied de l’industrie en ce moment et pour les mois à venir. Néanmoins, il sera intéressant de voir comment les associations sectorielles parviendront à convaincre les divers paliers gouvernementaux d’investir au moyen de subventions et de programmes afin de financer les investissements qui seront nécessaires pour la mise à niveau de l’industrie. Ce n’est pas à coup de « prêts sans intérêt » que l’on y parviendra, malheureusement.

Et vous, quels sont vos plans voyage pour cet été? Croyez-vous au phénomène du revenge travel?

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