Blogue de Frederic Gonzalo

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Hébergement illégal: on fait quoi maintenant?

Dans mon dernier billet, Hébergement illégal: l’industrie touristique face à un dilemme, j’expliquais comment les plateformes de réservations en mode P2P (peer-to-peer) comme AirBnB font voler en éclat le modèle traditionnel de distribution hôtelière. Tendance lourde qui ne s’estompera pas de sitôt, si on en croit les derniers chiffres disponibles de ce marché florissant:

  • Les locations de vacances représentent un marché de 85 milliard de dollars US uniquement sur les marchés américains et européens
  • Un locateur génère 26,000$ de revenus en moyenne par année de ses locations (Source: 2012 Summer VRM Owners report)
  • AirBnB est peut-être le plus connu, mais pas forcément le plus gros joueur avec ses 300,000 propriétés listées dans 34,000 villes différentesHomeAway logo
  • HomeAway est le plus gros site mondial, avec un peu moins de 500,000 propriétés. Il fait partie de la famille VRBO (Vacation Rentals by Owners)
  • Même les agences de voyages en lignes en proposent: TripAdvisor propose des locations de vacances sous une entente avec FlipKey (170,000 propriétés) alors que Booking.com annonçait récemment son intention d’envahir cette sphère lucrative via une entente avec Interhome (260,000 propriétés). Travelocity en offre également, caché sous l’onglet “Hotels” alors qu’Expedia a fait part de son intention d’en proposer sous peu.

Comme plusieurs locateurs opèrent en marge de la loi sans déclarer les revenus, ni sans recueillir les taxes applicables, on comprend les hôteliers, aubergistes et divers intervenants de l’industrie de dénoncer cet état de fait. Quelles sont donc les solutions possibles? Voici certaines retenues jusqu’à présent ainsi que d’autres que je soumets, bien humblement:

1. Dénoncer les illégaux

Un premier réflexe qui nous vient est de dénoncer ceux et celles qui opèrent sous le radar et qui engrangent des revenus sans payer les taxes tout en proposant une compétition déloyale à ceux qui respectent les règles et cotisent à leur organisme de gestion de la destination. C’est d’ailleurs l’initiative prise par un groupe anonyme opérant sous l’acronyme AHEM, qui a récemment mis en ligne le site tourismeaunoir.com où l’on dénonce des gens soupçonnés de tenir des opérations illégales de locations d’hébergement, photos et descriptions à l’appui. Une fausse bonne idée, si vous voulez mon avis. On se croirait à l’époque de la Gestapo ou du Maccarthisme, un parallèle douteux en 2013 alors que nous devrions envisager une manière plus civilisée de régler les différends en cours.

2. Imposer des amendes

Pour d’autres, la solution ultime passe invariablement par un renforcement musclé du processus d’amendes. Plus les amendes seront salées, rapidement données et publicisées, plus on devrait entrevoir un effet dissuasif auprès des contrevenants. C’est vrai, en théorie. On a vu des campagnes sociétales contre l’alcool au volant, pour le port de la ceinture de sécurité ou pour réduire la vitesse, obtenir des résultats positifs au fil des ans. On oublie néanmoins un facteur de taille: les investissements publics pour y parvenir. Non seulement en publicités tout azimut, mais aussi par une force policière constamment sur le qui-vive, avec des campagnes de rappels en continu. Or qu’en est-il en tourisme? Au Québec, il y a présentement deux inspecteurs qui travaillent ce dossier au Ministère du Tourisme. Deux!imposer des amendes

Selon un article paru dans La Presse, 1569 dossiers auraient été épluchés entre novembre 2012 et mars 2013. Parmi eux, neuf sont sur le bureau du Directeur des poursuites criminelles et pénales. S’ils sont reconnus coupables, ceux qui louent illégalement une chambre ou un appartement sont passibles d’une amende allant de 750 à 2250$ par jour d’infraction. De plus, les contrevenants ont droit à deux avis avant de recevoir une amende. Lorsqu’on vous arrête pour excès de vitesse, on vous donne un “avis”, vous? On voit donc qu’il y a loin de la coupe aux lèvres afin de véritablement dissuader une masse critique de gens d’opérer dans la clandestinité, non seulement en raison des ressources limitées mais également à cause du processus lent.

3. Laisser faire

Évidemment, il s’en trouve plusieurs pour suggérer de laisser faire les choses telles qu’elles le sont en ce moment, et de laisser les consommateurs choisir par eux-mêmes. Le marché s’auto-régularisera de lui-même, en somme. Il s’agit d’une vision idéaliste et peu réaliste de ce qui se vit sur le terrain. Suite à la parution de mon dernier billet, je recevais d’ailleurs ce courriel d’une lectrice, dont voici un extrait:

observation hébergement illégal au Québec

Dans ce contexte, laisser faire équivaut à inciter les hébergements illégaux à foisonner, avec tout ce que cela peut avoir d’impacts négatifs sur les rouages de l’industrie et l’évasion fiscale qui en découle pour l’économie locale et provinciale. C’est pourtant l’avenue empruntée par les dirigeants de Tourisme Nouvelle Écosse devant l’hébergement illégal – lire l’article ici (en anglais).

4. Assouplir les règles

Une approche plus créative et mentionnée par certains dirigeants hôteliers consiste plutôt à renchérir sur une demande qui ne trouve pas, ou si peu, d’écho depuis quelques années: l’assouplissement de certaines règles ou du fardeau fiscal. On pense notamment aux taxes foncières qui ne cessent d’augmenter d’année en année, alors que le revenu moyen par chambre stagne, tout comme le niveau d’occupation à l’échelle provinciale. Les hôteliers de la région de Québec pensaient d’ailleurs avoir obtenu une partie de leurs revendications plus tôt cette année, pour plutôt faire face à une hausse rétroactive de leurs taxes. (lire ici à ce sujet)

Dans un contexte où les plateformes P2P pullulent, ne devrait-il pas y avoir un assouplissement au niveau de certains autres standards qu’on impose aux hôteliers afin d’obtenir leur certification? Est-ce que toutes ces assurances et taxes sont vraiment nécessaires au bon fonctionnement d’un établissement en 2013? Si on en revient aux taxes foncières, pourquoi doit-on continuer de payer en fonction du nombre de chambres disponibles et non en fonction du nombre de chambres vendues (louées)?

5. Revoir le rôle des destinations

Une question plus délicate encore touche au mode de financement des organismes de gestion de destination (OGD, ou DMO en anglais, destination management organizations). La plupart, du moins au Québec et à travers l’Amérique du Nord, fonctionne sur le principe du membership. Or pour un hôtel, la cotisation annuelle est calculée sur la base du nombre de chambres disponibles dans l’établissement. Un exemple? Le Fairmont Reine Elizabeth, à Montréal, avec ses 1,200 chambres, paie tout près de 10,000$ en membership annuel à Tourisme Montréal. Certains paient même plus que ce montant, selon la région et la taille de l’établissement, les ratios n’étant pas tous pareils. Ces coûts contribuent à la cagnotte marketing de la destination, à laquelle les hébergements illégaux ne contribuent évidemment pas, même s’ils en bénéficient par la bande. Or la question se pose: pourquoi une destination ne représente que les membres et non pas la totalité de l’offre d’hébergement sur son territoire? N’y a-t-il pas lieu de remettre en question le modèle de financement des associations touristiques régionales? Ceci est tout aussi vrai pour les membres restaurateurs, attraits, événements ou transporteurs, remarquez.

OK, j’en conviens: ce dernier point dépasse le cadre de l’hébergement illégal. Mais il y est intimement lié, nul doute.

6. Ouvrir les ponts de communication

Dernière piste de solution: mettre tout le monde autour d’une même table pour mieux comprendre les enjeux et envisager des solutions durables. Dans l’État de New York, en raison de la cause présentement en appel, AirBnB souhaite régulariser la situation mais on se parle par l’entremise d’avocats. N’y aurait-il pas moyen de trouver des manières d’obtenir au minimum le paiement des taxes applicables? D’assurer que toutes les propriétés listées doivent montrer patte blanche avec au minimum l’attestation de classification, disponible moyennant dépense de 250$?

L’avenir nous dira comment l’industrie réagira face à cette révolution, et il est possible que ce soit au moyen d’une solution hybride combinant une ou plusieurs des solutions ci-haut mentionnées. Une chose est sûre: le status quo est intenable, et il est grand temps pour tous les joueurs, incluant les lobbies hôteliers et les dirigeants de Tourisme Québec d’aller au fond de cette problématique pour trouver des solutions qui seront au bénéfice de l’industrie, certes, mais surtout du consommateur qui aura toujours le luxe de décider des plateformes qui lui conviennent le mieux.

À lire aussi: Entretien avec Joe Gebbia, co-fondateur d’AirBnB

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