Le grossiste réceptif est un rouage important de l’industrie touristique mais inconnu du public. Lorsque vous voyagez à l’étranger, même si vous avez acheté votre prestation en ligne ou auprès d’un agent de voyage, il y a de fortes chances qu’un réceptif soit impliqué à destination: logistique de transport entre l’aéroport et l’hôtel, forfaits disponibles à votre hôtel, locations de voitures, etc.
En sens inverse, c’est tout aussi vrai: tant pour la clientèle américaine, européenne qu’asiatique, les réceptifs canadiens consolident l’offre touristique qui se trouvent ensuite proposée par l’entremise de tours opérateurs dans ces pays, mis en brochure puis distribué auprès des réseaux d’agences de voyages.
Agence réceptive basée à Québec, Global Tourisme fait partie des piliers de l’industrie, travaillant avec des fournisseurs de transport, hébergement, attractions et événements à l’échelle nationale et auprès d’une clientèle internationale: Amérique latine, Europe, groupes de motivation (incentives) et éducatifs, etc. En marge du premier Colloque de l’ARF-Québec (Agences Réceptives et Forfaitistes du Québec) qui se tenait à Québec les 26-27 avril 2012, rencontre avec Luzana Rada, Présidente et associée de Global Tourisme.
Thème de notre discussion: Quels sont les enjeux auxquels doit faire face un réceptif dans le contexte de distribution touristique actuel?
1. L’obligation d’innover
“À chaque année, on se demande qu’est-ce qu’on peut changer, comment on pourrait mieux servir le client, le tour opérateur qui fait face à l’agent de voyage, et l’agent qui fait face aux clients”, nous dit Luzana. “On se doit de questionner le status quo, donner de la formation, et adopter une approche-client axée sur le produit, avec personnalisation selon le TO et selon les marchés.”
Il y a quelques années, Global innovait par exemple par la création de forfaits incluant un circuit exclusivement au Québec pour le marché mexicain. Et pour une deuxième année consécutive, l’agence a contribué au succès du Québec Ski Fest à Tremblant, une initiative originale cherchant à mettre en vedette la destination en période hivernale auprès de la clientèle du Mexique et d’Amérique latine.
“Être à l’écoute, c’est adapter le produit selon le réseau de distribution, que ce soit le Mexique vs la France, mais aussi selon le fournisseur et les échos du milieu touristique”, poursuit-elle. “Ce n’est pas toujours facile, mais nous sommes condamnés à nous réinventer”.
2. Intégrité tarifaire
L’avènement des sites internet axés sur la distribution de produits touristiques ainsi que les agences de réservation en ligne ont bouleversé l’industrie. Pour les intermédiaires, comme les agences réceptives, le plus grand défi repose probablement dans le maintien d’une intégrité tarifaire en fonction des nombreuses fluctuations qu’impose le yield management des fournisseurs hôteliers.
“Certains tour opérateurs vendent à perte ou sous le coût accepté du marché, ce qui vient miner notre crédibilité sur des marchés comme le Brésil, par exemple”, explique Luzana. “Heureusement, comme nous avons des relations de longue date, nos partenaires dans ces pays nous contactent lorsqu’ils réalisent les variations, mais on ne peut pas toujours répondre favorablement sans que cela n’impacte le minimum de marge que nous devons avoir pour payer les autres intermédiaires dans l’équation”.
Pour Luzana, le web est “le plus bel allié mais également le plus grand danger”. Bien qu’une partie du problème soit hors du contrôle des réceptifs, une piste de solution réside dans une approche de sensibilisation auprès des fournisseurs hôteliers pour pallier la situation et garantir les prestations et les niveaux de commission aux réceptifs dans le cadre d’une entente.
3. Offre touristique vieillissante
Ici encore, bien qu’il s’agisse d’une problématique qui dépasse le cadre d’action des agences réceptives au premier degré, il n’empêche que le problème de compétitivité de la destination fait souffrir tous les joueurs de l’industrie touristique, incluant les réceptifs.
“On a beau jeu de jouer la carte de la sécurité en parlant du Canada comme destination, surtout sur les marchés latinos”, poursuit Luzana. “Mais le rapport qualité-prix n’y est pas. Et c’est encore plus marquant dans l’Est du pays que dans l’Ouest. Ceci étant dit, même l’Ouest souffre la comparaison versus nos voisins du Sud”.
4. Approche concertée hors-Québec
Enfin, pour Luzana Rada, il est grand temps pour les acteurs de l’industrie touristique québécoise de parler d’une seule voix. “Y a-t-il quelqu’un qui va mettre ses culottes dans ce dossier?” demande-t-elle. “On manque de leadership, et c’est d’ailleurs un peu pourquoi l’ARF-Québec a vu le jour, parce qu’on ne sentait pas que les réceptifs et forfaitistes étaient écoutés ou invités à la table de discussion”.
Il est grand temps pour les acteurs de l’industrie touristique québécoise de parler d’une seule voix. “Y a-t-il quelqu’un qui va mettre ses culottes dans ce dossier?” demande Luzana.
Pour Luzana, le rapport du Comité Performance, présidé par l’homme d’affaire Gilbert Rozon et déposé lors des Assises du Tourisme 2011, l’a laissé sur sa faim. “Il y a encore trop d’organismes et de partenaires, surtout quand on sort du Québec et qu’on veut se positionner en France ou au Mexique: CCT, Tourisme Québec, Ontario et les autres provinces, les ATR, les CLD, les MRC, ça ne finit plus…”
Qui sait, peut-être les choses auront évolué d’ici les prochaines Assises du Tourisme qui auront lieu le 28 mai prochain, à Sherbrooke. On se le souhaite, du moins…
Laisser un commentaire