Blogue de Frederic Gonzalo

Morue braisée, du restaurant Bitoque.

Pourquoi le service n’est plus le même dans les restos…

Depuis bientôt deux semaines, un article fait rage aux États-Unis. Un restaurateur new-yorkais aurait tenté de comprendre, sous le couvert de l’anonymat, pourquoi il recevait tant de mauvais commentaires quant à son service à la clientèle.

Ouvert depuis plusieurs années, la qualité de la nourriture a toujours été au rendez-vous, tout comme le souci d’un service aux tables courtois et rapide. Alors quel était le problème? Afin d’investiguer la chose, le propriétaire de l’établissement a fait une recherche dans son système de surveillance par vidéo, pour y trouver du piétage remontant à l’installation du système, soit en juillet 2004.

Voici le fruit de ses recherches, comparant une expérience typique dans son restaurant en 2004 vs. 2014, dix ans plus tard.

Morue braisée, du restaurant Bitoque.
Morue braisée, du restaurant Bitoque. (Oui, je l’ai pris avec mon téléphone, via Instagram…)

En 2004:

Le consommateur entre dans le restaurant. Il s’asseoit, on lui donne le menu. Sur 45 clients, trois demandent de s’asseoir ailleurs.

  1. Les clients prennent en moyenne huit minutes avant de fermer le menu pour montrer qu’ils sont prêts à commander.
  2. Les serveurs apparaissent presque instantanément et prennent la commande.
  3. L’amuse-gueule arrive dans les six minutes. Certains éléments plus complexes prennent évidemment plus de temps.
  4. Sur les 45 clients servis, deux articles sont renvoyés en cuisine.
  5. Les serveurs gardent un œil sur leurs tables afin qu’ils puissent réagir rapidement si le client a besoin de quelque chose.
  6. Après que les clients aient mangé, on apporte l’addition. Et dans les cinq minutes, ils partent.

Délai du début à la fin: 01h05.

En 2014:

Le consommateur entre dans le restaurant. Il s’asseoit on lui donne le menu. Sur 45 clients, 18 demandent de s’asseoir ailleurs.

  1. Avant même d’ouvrir le menu, ils prennent leurs téléphones. Certains prennent des photos tandis que d’autres vont tout simplement faire autre chose sur leur téléphone. Désolé, nous n’avons aucune idée de ce qu’ils font et ne surveillons pas les activités de notre clientèle sur le réseau wifi de l’établissement.
  2. Sept des 45 clients signalent aux serveurs de venir tout de suite. Ils leur ont montré quelque chose sur leur téléphone et ont dépensé en moyenne de cinq minutes du temps des serveurs. Étant donné que ce sont des images récentes, nous avons demandé des explications aux serveurs à ce sujet. Ils nous ont dit que ces clients avaient des problèmes de connexion au wi-fi et ont exigé des serveurs qu’ils tentent de les aider.
  3. Enfin, les serveurs reviennent à ​​la table pour voir ce que les clients souhaitent commander. La majorité n’ont même pas ouvert leurs menus et demandent aux serveurs d’attendre un peu.
  4. Les clients ouvrent le menu, placent leurs mains tenant leurs téléphones sur le dessus de celui-ci, et continuent à faire ce qu’ils faisaient sur leurs smartphones.
  5. Les serveurs reviennent pour voir si ils sont prêts à commander, ou s’ils ont des questions. Les clients demandent plus de temps.
  6. Enfin, ils sont prêts à commander.
  7. Durée moyenne totale du moment où les clients se sont assis jusqu’à ce qu’ils passent leurs commandes: 21 minutes.
  8. L’amuse-gueule arrive dans les six minutes. Certains éléments plus complexes prennent évidemment plus de temps.
  9. 26 clients sur 45 passent en moyenne trois minutes, en prenant des photos de la nourriture.
  10. 14 sur 45 clients prennent des photos de l’autre, avec la nourriture en face d’eux, ou en train de manger ladite nourriture. Cela prend en moyenne quatre minutes supplémentaires, car ils doivent examiner et parfois reprendre les photos.
  11. Neuf des 45 clients ont demandé à faire réchauffer. Évidemment, s’il n’y avait pas eu de pause pour faire tout ce qu’ils ont fait sur leur téléphone, la nourriture n’aurait pas eu le temps de refroidir.
  12. 27 sur 45 clients ont demandé à leurs serveurs pour prendre des photos de groupe. 14 ont demandé aux serveurs de reprendre les photos, car ils n’étaient pas satisfaits avec les premières photos. En moyenne, l’ensemble de ce processus a ajouté un autre cinq minutes. Et évidemment, ceci occasionne un délai auprès des autres tables, les serveurs n’étant pas en mesure d’en prendre soin comme il se doit.
  13. Étant donné, dans la plupart des cas, que les clients sont constamment occupé sur leurs téléphones, il a fallu en moyenne 20 minutes de plus à partir de quand ils ont fini de manger jusqu’à ce qu’ils demandent l’addition. En outre, une fois l’addition payée, il a fallu 15 minutes de plus qu’il y a dix ans pour payer et quitter les lieux.
  14. Aussi, huit clients sur 45 se heurtèrent à d’autres clients, ou dans un cas un serveur, textant tout en marchant, à l’entrée comme à la sortie du restaurant.

Délai du début à la fin: 01h55.

Une histoire vraie ?

Cette histoire est parue initialement sur le site d’annonces Craiglist, où le restaurateur se plaignait de ce nouvel état de fait, en demandant aux consommateurs de faire montre de plus de considération.

La blogosphère s’est d’ailleurs enflammée en partageant cette histoire à plus de 750,000 reprises à ce jour, une grande majorité prenant la défense des restaurateurs qui doivent effectivement composer avec ces nouveaux comportements. Pour certains, l’aspect anonyme de la source met en doute la véracité de toute cette histoire, mais au fond cela importe peu. La discussion est lancée, on ne peut remettre le dentifrice dans le tube une fois sorti, n’est-ce pas?

Pour moi, il ne fait aucun doute qu’il s’agit d’une histoire pré-fabriquée, ou alors le sujet a été mal lancé. La prémisse du texte et de l’investigation étant de comprendre pourquoi le restaurant obtenait de mauvais commentaires sur des sites tels que Yelp ou TripAdvisor, le scénario expliqué ci-dessus est très révélateur au niveau du comportement des clients d’aujourd’hui mais en dit peu sur comment ce restaurant a su s’adapter (ou non).

Pas vraiment, non

Avouons-le: le scénario 2014 est assez typique de ce qui se vit dans n’importe quel restaurant urbain aujourd’hui. Alors comment se fait-il que certains restaurants performent à merveille et obtiennent de super commentaires? Je vous relatais d’ailleurs l’exemple d’un autre restaurant, new-yorkais aussi, qui a su capitaliser sur cette tendance Instagram pour façonner un menu novateur dans cet article : 5 raisons de miser sur Instagram.

Le bronzage en 2014
Source: Page Facebook, Il était une Pub.

La vraie morale qui se dégage de cette histoire, c’est qu’en l’espace d’à peine 10 ans, nos comportements sociaux ont changé à une vitesse incomparable. D’abord en raison des médias sociaux, puis surtout depuis l’avènement du téléphone intelligent et de la tablette numérique, avec leurs niveaux d’adoption qui ne cessent de croitre.

Les restaurateurs sont en première ligne de cette nouvelle réalité, avec laquelle ils doivent composer et s’ajuster. Cela demeure tout aussi vrai pour les hôteliers, transporteurs et la plupart des intervenants touristiques et de toute industrie faisant face au public.

Alors en cette période de vacances estivales, tâchons de décrocher un peu et de vivre notre quotidien sans trop dépendre de nos drogues techno. Facile à dire, pas facile à faire, j’en conviens… 🙂

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