Blogue de Frederic Gonzalo

Chantal Cardinal

Les intermédiaires en tourisme, un rôle important qui évolue

Chantal Cardinal
Chantal Cardinal, directrice nationale, ventes agréments, Atlific Hotels

Autour d’un café et d’un bon petit-déjeuner santé dans le restaurant de l’hôtel Westin à Montréal, je rencontre Chantal Cardinal pour discuter du rôle changeant des grossistes et réceptifs dans le modèle de distribution touristique, surtout au niveau hôtelier.

Directrice nationale des ventes pour le groupe Atlific Hotels depuis une dizaine d’années, Chantal gère ainsi plusieurs bannières telles Marriott, Indigo, Days Inn, Westin, Best Western ou Holidays Inn.

Ayant également travaillé par le passé pour la chaine hôtelière Gouverneurs ainsi qu’à Tourisme Montréal, elle connaît bien la réalité du milieu pour l’avoir vu évoluer au cours des deux dernières décennies.

Avec tous les défis actuels dans la distribution et les ventes hôtelières, comment voyez-vous le rôle des intermédiaires comme réceptifs et tours opérateurs dans cette équation?

« C’est assez incroyable de voir comment la relation entre hôteliers et le réseau de distribution a évolué au cours des 20 dernières années. À mes débuts dans l’industrie, on envoyait un contrat aux tours opérateurs ou réceptifs, puis ça ne changeait pas durant l’année complète, on se revoyait par la suite pour négocier l’année suivante.

Aujourd’hui, dans certains cas, c’est un suivi au hebdomadaire qui doit se faire! On voit maintenant certains réceptifs et tours opérateurs américains qui ont développé des outils sophistiqués permettant de venir chercher le meilleur tarif disponible (BAR, ou Best Available Rate) pour ensuite l’offrir à leur clientèle via leurs plateformes. »

Ces intermédiaires peuvent-ils vous faire compétition à votre insu en offrant de meilleurs tarifs chambres seulement sur le web?

« En théorie, non, car c’est très explicite dans la majorité des contrats entre hôteliers (bannières) et les partenaires intermédiaires qui nous revendent auprès d’autres entreprises (B2B) ou directement aux consommateurs (B2C). En pratique, malheureusement…

Laisse-moi te donner un exemple. On donne un tarif net à un grossiste réceptif, disons 70$, alors que la valeur prévue de la chambre à cette date sera de 100$. Selon les contrats, en aucun cas on doit retrouver un prix sous le seuil de 100$ offert au public, le tarif net (70$) étant prédestiné à être mis en forfait ou revendu au réseau de distribution, i.e. agences de voyages, organisateurs de groupes, etc.

Il nous arrive de faire de la veille sur des sites en ligne et on voit la chambre offerte par un revendeur à 90$. On doit alors contacter le réceptif pour faire retirer ce tarif en ligne. »

Il arrive souvent que les tarifs fluctuent dans la réalité hôtelière : à la hausse lors d’un congrès en ville, un évènement comme la Formule 1 ou à la baisse lors de faible demande en basse saison. Comment faire alors pour honorer des grilles de tarifs statiques?

Atlific Hotels« C’est justement le plus gros problème quand on travaille avec la clientèle individuelle, ce qu’on appelle le FIT (Foreign Independent Traveler).

Nos réceptifs font aussi de la veille sur le net. Lorsque nous baissons les tarifs lors d’une vente ponctuelle, les réceptifs nous contactent alors pour que nous baissions leur tarif net FIT.  Cette parité tarifaire est vraiment difficile à atteindre lorsqu’on transige avec la clientèle individuelle, compte tenu des changements importants dans le comportement en ligne des consommateurs au cours des dernières années. »

Est-ce à dire que les intermédiaires ont un rôle moins important à jouer dans la distribution en raison de la révolution en ligne?

« Pas du tout. Au contraire, les grossistes et réceptifs jouent encore un rôle important mais ça dépend de plusieurs facteurs. Certains hôtels font le choix de ne pas travailler avec le réseau de distribution pour diverses raisons : manque d’inventaire, emplacement privilégié, facilité de vendre en direct, etc. Mais pour une majorité d’établissements, les grossistes et réceptifs amènent une quantité et une qualité non négligeable en termes de clientèle.

Il y a certainement un enjeu de distribution avec la clientèle individuelle FIT. Mais il faut comprendre qu’il y a aussi deux autres grands pans dans le rôle de distribution des réceptifs et tours opérateurs : les groupes et les forfaits. À ce niveau, les intermédiaires continuent de jouer un rôle prédominant. »

Quel avenir peut-on entrevoir pour les réceptifs, les grands comme les petits?

« Quand on pense grossiste réceptif au Canada, on pense forcément à Jonview (filiale de Transat), le plus important sur le marché. Mais il en existe plusieurs petits et moyens qui parviennent à tirer leur épingle du jeu dans une niche précise ou en créant des forfaits spécifiques. Comme je le disais tantôt, c’est dans la forfaitisation que les réceptifs et les grossistes se démarquent. Plus un forfait est unique et difficile à reproduire par ses propres moyens, mieux sera l’avantage concurrentiel du grossiste.

Je te donne un autre exemple. Il y a quelques semaines, je discutais avec un réceptif haut de gamme à Vancouver, qui avait monté un forfait super pour une cliente au Brésil. Malheureusement, quelques jours plus tard je reçois son courriel : le tout est annulé, la cliente ayant décidé de passer en direct en se faisant le forfait elle-même en ligne. Pour éviter de tels scénarios, les grossistes sont condamnés à innover avec des circuits novateurs, difficiles à reproduire. »

« C’est dans la forfaitisation que les réceptifs et les grossistes se démarquent. Plus un forfait est unique et difficile à reproduire par ses propres moyens, mieux sera l’avantage concurrentiel du grossiste. »

Par exemple un circuit Toronto, Ottawa, Montréal et Québec?

(Rires) « Non, pas vraiment!! Ceci étant dit, le circuit classique dans le corridor Ontario-Québec tient encore la route quand on travaille les groupes, par exemple. Ou encore les marchés non francophones ou anglophones. »

La barrière de la langue serait-elle un avantage concurrentiel en distribution?

« Les marchés qui sont les plus fidèles au réseau de distribution sont ceux où les consommateurs sont les moins susceptibles de tout faire par eux-mêmes en ligne et ce, en grande partie, en raison de la barrière de langue : Espagne, Italie, Mexique. On le voit aussi sur les pays émergents comme la Chine, l’Inde ou le Brésil. À l’inverse, on voit de plus en plus d’intermédiaires français, américains ou britanniques migrer vers le B2C, car le consommateur s’y trouve et est prêt à acheter son voyage en direct. »

C’est toute l’industrie qui doit donc s’adapter à cette réalité, les hôteliers comme les intermédiaires. La distribution évolue, et tous les acteurs se doivent ainsi de prendre le virage!

Cet article est originalement paru dans le bulletin Agent de Veille, l’infolettre trimestrielle des Agences Réceptives et Forfaitistes (ARF) du Québec.

Les autres entrevues réalisées en 2012 dans le cadre de cette série:

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